Un océan d’amour et de lumière

Le cardinal Journet (1891-1975) est un grand professeur de théologie, nommé cardinal par Paul VI dans le but que sa voix se fasse entendre lors du Concile Vatican II. Un jour, il commence son cours sur la Trinité, le Dieu des chrétiens, par ces paroles : « La Trinité est un océan d’amour et de lumière… » Et il ne peut aller plus loin, se mettant à pleurer devant un si grand mystère. Il ne peut continuer son cours. Alors les élèves, émus jusqu’au plus profond d’eux-mêmes, se rendent à la chapelle pour adorer et rencontrer ce Dieu d’amour.

Un océan… Dieu est sans fin, sans limite. Et nous sommes en lui comme des poissons dans l’eau. Jésus a dit à ses apôtres : « Suivez-moi et je vous ferai pêcheurs d’hommes » (Mt 4, 19). Finalement, le but de Jésus n’est pas de conduire les poissons hors de l’eau afin de les tuer. Mais c’est plutôt de les sortir des eaux boueuses et des petites mares où ils se sont enfermés et où ils se meurent, pour les amener dans le grand océan de la Divinité, dans son amour, sa lumière et sa vie qui ne finira jamais. C’est pour cela que nous sommes faits !

On dit que la peur de l’enfer a peut-être amené des personnes dans l’Église, mais ne les a jamais fait rester. Une fois que l’on a compris que notre destinée est à prendre au sérieux, et que c’est notre responsabilité de ne pas aller vers l’enfer, mais vers l’amour. Il ne sert à rien de s’attarder sur ceux qui ont refusé Dieu et sur le monde de ténèbres qu’ils ont créé. Saint Augustin dit que comprendre cette possibilité nous dépasse complètement : il est dangereux d’essayer d’en faire le tour avec nos esprits limités. Il faut plutôt regarder le Dieu d’amour et de lumière, chercher son projet bienveillant, et le propager dans le monde.

Dieu est un océan d’amour et de lumière. Il est Trinité, car il est amour. Il n’est pas une solitude éternelle… mais Père, Fils et Esprit-Saint, éternellement. Échanges et Rencontres. Amour et Lumière. Union et Fécondité. Et il a voulu créer des anges et des hommes pour partager cela avec eux. Certains se sont détournés de cette destinée refusant l’alliance avec Dieu pour ne connaître que leur propre lumière… Et les ténèbres se sont répandus dans le monde. Mais Dieu a préparé un peuple, le peuple juif, pour venir lui-même en Jésus-Christ. Celui-ci est Dieu le Fils venu nous sauver et nous introduire dans l’amour trinitaire en nous faisant connaître le Père et en répandant sur nous l’Esprit-Saint.

Un océan d’amour et de lumière… Tant que l’on n’a pas perçu, vécu, compris, que Dieu est rempli d’amour et de lumière, c’est que l’on n’a pas assez cherché. On peut être touché à un moment de sa vie par le Dieu Trinité, et se mettre en route vers lui. Mais le chemin peut nous faire perdre de vue que Dieu est amour, que Dieu est lumière. Alors il faut chercher. C’est notre responsabilité de montrer aux hommes de ce temps que Dieu est ainsi. Non pas seulement en parole, mais en acte et en vérité. Non pas seulement par des actes humains, mais par la puissance de l’Esprit-Saint qui guérit, console, encourage et édifie.

Les dernière paroles de Jésus ont été les suivantes :

« Voici les signes qui accompagneront ceux qui deviendront croyants : en mon nom, ils expulseront les démons ; ils parleront en langues nouvelles ; ils prendront des serpents dans leurs mains et, s’ils boivent un poison mortel, il ne leur fera pas de mal ; ils imposeront les mains aux malades, et les malades s’en trouveront bien. » (Mc 16, 17).

Ce Dieu d’amour et de lumière ne veut pas rester là-haut. Mais il a prévu d’agir en ce monde, concrètement. On peut noter qu’au nom de Jésus, les puissances des ténèbres fuient et des signes se manifestent : parler en langue, guérisons en tout genre… mais aussi protection contre des agressions extérieures et des empoisonnements. Dans notre monde vicié, où des manières de penser et de vivre peuvent grandement nous influencer, il est bon d’entendre ces paroles que Jésus nous protège et empêche que nous soyons pervertis. Du moins si l’on se tourne chaque jour vers lui…

Il est bon d’entendre que même si l’air se pollue, la nourriture devient mauvaise, les virus se propagent, les vaccins et médicaments peuvent être dangereux… Eh bien, Jésus nous protège et nous guérit. Je crois que nous ne sortirons qu’ainsi du drame qui se joue actuellement, et qui quoi qu’on en pense n’est pas fini : « Au nom de Jésus, que la guérison et la délivrance te soit donné à toi qui souffre… qu’un chemin s’ouvre pour toi alors que tout semble fermé ». À chacun de prononcer ces paroles autour de soi sur ceux qui en ont besoin. J’ai rencontré ces jours-ci une dame qui ne connaissait rien au christianisme et qui il y a trois semaines voulait se suicider. En désespoir de cause, elle est entrée dans une église, a parlé à une personne, et celle-ci lui a dit de prier Dieu et lui a appris le Notre-Père. Dès qu’elle a prié, son désespoir est parti et n’est plus revenu. Elle a rencontrée Jésus et l’Esprit-Saint. Depuis, elle est venue à l’église prier chaque jour. Et chaque fois qu’elle se met à prier, les douleurs qu’elle pouvait ressentir dans son corps s’en vont.

Ce ne sont pas la technique et les forces humaines qui arriveront à nous sortir de l’abîme. Jésus a dit : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire. » (Jn 15, 5). Cette parole est pour nous aujourd’hui. Sans Jésus, il n’y a pas d’avenir. Mais avec Jésus, des chemins de Résurrection s’ouvrent dans nos vies. Soyons donc des témoins de Jésus qui vit en nous.

Il est étonnant que les miracles et guérisons soient si peu présents dans la vie de l’Église. On en constate beaucoup dans l’Église naissante. On en trouve dans l’histoire à différents degrés selon les lieux et les époques. Et aujourd’hui, on en trouve par-ci par-là, mais ce n’est quand même pas le lot commun de toutes nos communautés chrétiennes. Selon les paroles de Jésus, ce sont pourtant les signes qui doivent accompagner ceux qui deviendront croyants. Le concile Vatican I a affirmé que les miracles faisaient parties intégrantes de la Révélation chrétienne. Et le concile Vatican II a déclaré qu’ils n’étaient pas seulement pour les premiers chrétiens, mais encore pour nous aujourd’hui et qu’il fallait donc les encourager.

Alors, pourquoi y en a-t-il finalement si peu ?

Je voudrais vous livrer une expérience personnelle, que d’autres ont sûrement vécu également à leur manière. Il y a bientôt 13 ans, finissant mes études, je faisais une retraite de deux semaines dans un monastère très contemplatif où j’imaginais bientôt venir finir mes jours : il était convenu que je revienne deux mois plus tard pour un temps d’expérimentation. Au cours de cette retraite, j’ai fait une nuit entière d’adoration devant le Saint-Sacrement. J’avais songé à Edith Stein faisant la même chose au moment de son choix de vie, et je sentais que Jésus me le demandait. J’avais pris comme lecture pour accompagner ma nuit le Cantique des Cantiques, car cette nuit était une nuit de noces. J’ai ainsi passé la nuit dans une petite chapelle d’un monastère perdu dans la montagne pour adorer l’Hostie qui est la Présence vivante de Jésus et donc de la Trinité. Ce ne fut pas facile de rester toute la nuit, mais au petit matin, alors que je ne m’y attendais guère, j’ai eu la forte impression de tomber dans l’Hostie, de tomber dans la Divinité… Et dans le même temps, j’avais l’impression de tomber dans la terre, comme si tous les êtres se trouvaient là réunis dans l’unité et plongés dans la Divinité. Et dans le même temps il me semblait que le chant des anges résonnaient par dessus les montagnes pour dire que Dieu est lumière, que Dieu est amour… J’ai eu le sentiment profond de goûter à l’unité perdue, à la communion sans limite. C’est quelque chose d’indicible. Je ne me serais jamais attendu à une telle chose.

Cela n’a pas duré longtemps, car très vite, j’ai perçu également le poids de tout ce qui s’oppose à cet amour, qui s’oppose à cette lumière. Mais cela a laissé une trace indélébile dans mon âme, et a ouvert pour moi un chemin nouveau, comme une irruption de l’Esprit qui m’a finalement mené bien loin de ce monastère. Et il m’a fallu des années pour que cette expérience ne laisse finalement que le goût de l’amour et de la lumière…

On ne peut pas dire qu’à l’époque je ne connaissais pas le mystère chrétien. J’étais imprégné de philosophie, de théologie, de catéchisme et de mystique. Mais ce que j’ai goûté m’a fait comprendre que la théologie, bien que désignant Dieu par ces dogmes, ne l’avait finalement pas compris. Comme des poteaux indicateurs répandus sur de nombreuses routes et désignant un pays fabuleux, la théologie ne dit finalement que peu de choses. Il y a encore mille choses à dire, à comprendre. Tout a été dit en Jésus-Christ. Mais qui peut prétendre avoir compris Jésus-Christ ? C’est d’ailleurs ce que dit saint Jean en Apocalypse 10 : il est des secrets gardés pour plus tard.

La cathédrale érigée au cours des deux derniers millénaires ressemblent finalement à une voûte soutenue par une seule arche au lieu de deux et s’effondrant de toute part. Notamment, nous avons beaucoup contemplé le mystère de Marie. Mais que savons-nous du mystère de Joseph, qui selon des moines d’autrefois est gardé pour plus tard ? Il ne faut pas prétendre avoir déjà la réponse, qu’il suffit d’ouvrir un bon livre, ou d’interroger un prêtre ou un théologien. Saint Jean dit qu’un mystère a été scellé jusqu’à la septième trompette. Acceptons tout simplement que nous ne le savons pas, et que Dieu seul nous le manifestera.

Je pense que saint Thomas d’Aquin a goûté quelque chose de ce mystère quand il a voulu brûler toute son œuvre à la fin de sa vie après une forte expérience vécue dans la prière… heureusement il en a été empêché par ses confrères. Mais il faut retenir de cette histoire que sa théologie, comme celle de tous les théologiens, n’est pas aboutie. Ce sont des théologies de chemin, qui cherchent à avancer vers la lumière, mais qui n’ont pas encore vue toute la lumière et qui comportent donc des déséquilibres. Le drame vient quand l’on s’arrête en chemin, et que l’on rate l’avancée vers la plénitude de l’amour et de la lumière. C’est alors un désastre dont parle saint Jean : « La lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. » Même la plus haute théologie peut devenir ténèbre si on s’en sert pour fermer le chemin vers la plénitude de la lumière… Le poteau indicateur n’est pas le pays fabuleux… Si on s’y arrête, on risque d’être déçu.

C’est ce chemin qu’a malheureusement suivi le deuxième millénaire. Le Dieu d’amour et de lumière a disparu de l’horizon. Les hommes ont finalement préféré la lumière d’une ampoule, celle de la raison humaine, à la lumière du soleil. Le premier millénaire regardait le soleil à travers une fenêtre un peu sale… La lumière était donc quelque peu déformée, et pouvait paraître étrange ou dangereuse. Alors la fenêtre a finalement été fermée, condamnée. L’on a préféré la lumière artificielle… Ce fut les Lumières… On peut voir des choses avec une lampe… mais à la longue, on ne peut rester en bonne santé si l’on ne voit pas le Soleil. Et on se rabougrit car l’on passe à côté de splendeurs immenses !

C’est pourquoi Dieu, dans sa Bonté, a décidé d’ouvrir la fenêtre en grand avec le septième ange ! Alors attendons-nous à un beau feu d’artifice. J’en vois les signes avant-coureurs… Des personnes toutes simples se mettent à prophétiser, ou bien elles prient sur d’autres personnes et celles-ci guérissent… L’Esprit est à l’œuvre, et il est répandu sur tout le peuple de Dieu. La septième trompette va se faire entendre !

C’est pour cela que les miracles ont comme disparu de l’horizon. Dieu n’a pas été connu pour ce qu’il est vraiment. Si saint Jean prend la peine de nous parler d’un secret gardé pour plus tard, et de mettre en scène son irruption dans l’histoire par l’ange d’Apocalypse 10 qui précède les deux témoins et les grands combats eschatologiques (Femme, Dragon, Bêtes), c’est que ce n’est pas quelque chose de mineur. Sa manifestation va nous dévoiler les profondeurs du cœur de Dieu et sera accompagner des signes d’un Évangile vraiment vécu…

On pourrait se dire. Oui, mais le monde est en feu. On ne peut attendre cette irruption providentielle sans rien faire. On peut prier pour hâter le temps, mais n’y a-t-il pas quelque chose à faire ? En fait, le projet de Dieu, c’est de revenir par ses petits serviteurs, c’est-à-dire par tous ceux qui croient en lui. Donc, c’est à tous de se mettre en chemin.

Marie a dit à Marcel Van : “Cependant, plus l’enfer aura été victorieux auparavant, plus il sera honteux ensuite, car ce ne sera pas moi en personne qui écraserai la tête de Satan, mais mes enfants…. Voyant que j’utilise mes faible enfants, comme autant de pieds pour lui écraser la tête, Satan sera honteux…..”

Et les Écritures le disent : “Dans les derniers jours, dit Dieu, je répandrai de mon Esprit sur toute chair; vos fils et vos filles prophétiseront, Vos jeunes gens auront des visions, Et vos vieillards auront des songes.” (Ac 2, 17)

On pourrait aussi se dire : Et moi que puis-je faire ? Je suis bien impuissant ou je suis bien pêcheur.

Certes, on est pêcheur. Mais il faut voir que la sainteté est un cadeau acquis par Jésus. Le Père de lumière nous la donne chaque jour si on la lui demande, si on se tourne vers lui, si on regrette ses fautes. Et dans cette sainteté, on peut servir ses frères et œuvrer pour Dieu : tous les mouvements de nos cœurs et de nos vies, même ceux pour nous convertir, deviennent occasion de propager cette sainteté pour qu’elle se répande dans le monde.

Si on a vraiment compris qui est le Dieu d’amour et de lumière, si on l’a goûté, alors il n’est plus question d’égoïsme ou d’orgueil, il n’est même plus question de chercher à avoir raison. Il est juste question de chercher à ce que le monde entier soit resplendissant de son amour et de sa lumière. Il est juste question d’entrer dans les mouvements de vie par l’Esprit qui dans un même mouvement détruit le péché et nous fait entrer dans la danse de l’amour qui n’aura pas de fin. Si chaque jour est pour nous une occasion d’entrer dans cette danse et d’y emmener nos frères et sœurs, alors Dieu ne nous retirera pas la sainteté en dépit de nos faiblesses ou de nos péchés, et il nous accueillera dans son paradis.

Certes, on est bien faible. Comme cet enfant qui offre à Jésus cinq pains et deux poissons. Qu’est-ce que cela pour tant de monde ? C’est un peu comme la parabole du Colibri qui n’est pas dans l’Évangile, mais que l’on raconte dans les milieux alternatifs. La forêt est en feu, les animaux s’enfuient… Sauf le petit colibri qui va puiser de l’eau avec sa bouche dans la mare pour la jeter sur le feu. Les autres animaux se moquent de lui, car il n’arrivera jamais à éteindre le feu. Mais lui de dire : « Je fais ma part. ». Souvent la parabole s’arrête là, et l’on dit que faire notre part nous revient, c’est notre dignité et ce qui rend heureux ; ou que si l’on s’y met tous on y arrivera, ce qui est un peu présomptueux devant l’ampleur du dégât. La fin qui serait chrétienne, comme pour la multiplication des pains, c’est que Dieu, voyant la foi, l’espérance et la charité du petit colibri, multiplie les gouttes d’eau qui tombent de la bouche du petit colibri et de tous les animaux venus l’aider, et que l’incendie fut ainsi arrêter.

À chacun d’œuvrer avec foi, espérance et charité, car c’est ce que Dieu attend. L’humilité nous dit que changer le monde nous dépasse complètement. Mais l’humilité nous dit aussi que Dieu dans sa Puissance d’Amour multipliera ce que l’on fera d’une manière que l’on n’imagine pas, pour que son œuvre s’accomplisse en ce monde. Il ne s’agit ni de rien faire, ni de faire seulement par nos forces. Il s’agit d’agir en union avec l’Esprit de Dieu qui se sert de tout au-delà de ce que l’on imagine, si on le lui offre avec une âme d’enfant. Les miracles représentent environ le tiers ce ce qui est écrit dans l’Évangile : alors soyons sûrs que si on demande à Dieu de vivre selon son Evangile, il nous donnera de le vivre…

Prenons enfin conscience que l’Amour de Dieu est à la fois centripète et centrifuge. Il nous porte d’un côté vers l’intérieur : nous accueillons Jésus dans nos vies, dans nos cœurs, dans nos maisons, comme la Sainte Famille où Jésus, Marie et Joseph sont pleinement unis dans l’amour dans un même foyer. Là est notre modèle. Et c’est ce foyer rayonnant qu’il faut garder vif chez nous pour que le feu se répande. C’est notre première responsabilité. Et l’amour de Dieu nous porte aussi vers l’extérieur, vers nos frères et sœurs, qui vivent chacun ce même mystère, mais à leur manière, pour que nous chantions ensemble la gloire du Père, du Fils et de l’Esprit. Le mystère chrétien est une communauté de familles, une communion de foyers. À chacun d’alimenter le feu de la charité là où il est, et tout va s’embraser.

Ainsi soit-il !

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