Le jeûne et la prière

Marthe Robin, une mystique du XXème siècle qui a attendue une nouvelle Pentecôte d’Amour.

« Alors les disciples s’approchèrent de Jésus, et lui dirent en particulier : Pourquoi n’avons-nous pu chasser ce démon ? C’est à cause de votre incrédulité, leur dit Jésus. Je vous le dis en vérité, si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé, vous diriez à cette montagne : Transporte-toi d’ici là, et elle se transporterait ; rien ne vous serait impossible. Mais cette sorte de démon ne sort que par la prière et par le jeûne. » (Mt 17, 21, Bible Segond)

En écrivant cet article j’ai un peu l’impression de faire mon testament et de dire les dernières choses importantes qui doivent être dites ici, du moins avant plusieurs mois. Et de fait un orage se lève à l’horizon, et il nous faut prendre des moyens adaptés pour nous y préparer. Ne croyez pas que je parte pour un endroit désert à la manière survivaliste, mais il me semble opportun de mettre un peu de distance entre ma vie et les logiques du monde pour bien vivre ce qui va venir.

Et de fait, nous sommes pris aujourd’hui dans un combat entre d’un côté le diable et l’esprit du monde, et de l’autre l’avènement du Royaume et la civilisation de l’amour. Nous avons tâché de décrire cela dans nos articles : L’Église peut-elle changer le monde ? Et L’heure de Marie. Nous y avons parlé de certains moyens pour bien vivre ce moment, en particulier de l’importance de l’adoration eucharistique et de la dévotion mariale. Mais nous voudrions insister ici sur les deux moyens donnés par Jésus en Mt 17, 21 (qui étrangement ne figurent pas dans la traduction liturgique) : le jeûne et la prière.

Pour bien les comprendre, resituons-nous dans ce que nous disions sur le rapport entre l’Église et le monde. Le monde n’est pas mauvais, mais il a été livré par le péché au pouvoir du diable, qui est devenu le prince de ce monde. Du coup, les logiques du monde, si nous les suivons, nous conduisent inexorablement dans les mains du diable. Le Seigneur a prié non pas pour nous retirer du monde, mais pour nous préserver du Mauvais. Nous sommes dans le monde, mais pas du monde. Et il nous faut user des choses du monde, mais tout en en gardant une certaine méfiance, en restant vigilants, et en sachant parfois s’en déprendre. C’est le sens du jeûne, d’abord alimentaire pour nous y habituer, puis plus largement sur d’autres dimensions de notre vie.

Aujourd’hui, même si cela reste la porte d’entrée éducative, le jeûne alimentaire n’est guère ce qui plaît le plus au Seigneur. Le père Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus disait à ce sujet que notre humanité moderne très abîmée (l’esprit vivifiant de moins en moins la matière) et dont le vice principal est (ou était) l’orgueil risque d’obtenir par des jeûnes trop importants plus de mal que de bien. Non, le jeûne qui plaît au Seigneur, c’est de se déprendre des choses du monde qui ne glorifient pas Dieu (ou pas assez), pour se tourner vers la prière, la rencontre, et les œuvres de Miséricorde, pour prendre soin de sa famille et de ceux qui en ont besoin, et pour aller vers les réalités qui nous rapprochent du mystère de l’Incarnation. Nous ajoutons ce dernier point, car c’est celui-là qui est le plus attaqué aujourd’hui : virtualisation, effacement des signes religieux, ou des signes tout courts, diminution des gestes concrets d’attention et d’amour avec ceux qui nous entourent, etc.

Notre monde vit comme si la matière ne reflétait rien (ou ne devait rien refléter) de Dieu et du monde spirituel, et comme si la spiritualité n’avait pas besoin de la matière pour être réellement vécue. Nous sommes en plein dualisme, et au bord de l’asphyxie voir au bord de la mort tout court en ayant isolé la matière et l’esprit. Cela donne d’ailleurs aux démons le champ libre pour réaliser leur propre symbolique dans la matière, car tout le monde fait comme si tout cela n’avait aucune signification importante. Et cela mène de fait les âmes, nourries et attirées par cette symbolique satanique, dans les mains du diable.

Nous ne sortirons de cet abîme que par des signes concrets et très incarnés. En particulier, la liturgie et la prière doivent garder (ou retrouver), une grande sobriété technologique (et dans l’usage des écrans) pour nous tourner vers la matière et ce qu’elle reflète directement.

D’abord la dévotion eucharistique à la messe et à l’adoration. C’est le signe par excellence qui nous rapproche de Dieu et refait nos cœurs. C’est l’antidote contre tous les poisons. Certains cherchent à nous en détourner, en disant que l’adoration eucharistique est une sensibilité parmi d’autres, en l’opposant à l’oraison, etc. Il ne faut pas écouter. Le salut ne viendra que de l’Hostie adorée, qui est le Trône de la Miséricorde dont parlait sainte Faustine et qui doit nous préserver de l’abîme. L’Hostie adorée, c’est la contemplation de Jésus, Dieu incarné, qui vient s’unir à nous. Quoi de plus merveilleux que de prier et de faire oraison devant notre Seigneur qui vient s’unir à nous ? Comment vivre une vraie dévotion eucharistique à la messe si l’on n’a pas passé des heures à genoux à contempler silencieusement ce mystère ? C’est le lieu aujourd’hui où se manifeste le mystère de l’Incarnation.

Ensuite, l’on peut espérer que de Jésus adoré jaillira un jour une nouvelle Pentecôte d’Amour que beaucoup attendent. En 1900, quand le pape a prié pour qu’il en advienne une, l’Esprit-Saint, alors dans un acte très œcuménique, a soufflé sur des protestants dans une sorte de nouvelle Pentecôte qui a donné le mouvement pentecôtiste. Puis, dans le années 1960, une nouvelle Pentecôte, encore plus forte, a eu lieu, cette fois-ci aussi bien chez les protestants que chez les catholiques, et cela a donné ce que l’on appelle le renouveau charismatique. Alors, vu que jamais deux sans trois, nous espérons une troisième nouvelle Pentecôte, celle que l’on pourrait appeler la véritable nouvelle pentecôte, et qui a été annoncée comme devant renouveler le monde entier ; ce qui n’est guère arrivé avec les deux premières.

Certains seront peut-être étonnés de cantonner notre regard sur l’époque actuelle. Il faut savoir que les premiers chrétiens ont vécu eux-même une Pentecôte, que l’on décrit en trois moments : à la Croix lors du transpercement du cœur, puis quand Jésus ressuscité apparaît et souffle sur ces disciples, et enfin quarante jours après la grande Pâques, lors de la Pentecôte en tant que telle. Les premières communauté, quand on lit saint Paul, vivaient des choses qui ressemblent à ce qui est vécu dans le renouveau charismatique et qui n’est pas non plus sans rappeler ce qu’on lit dans la vie de certains saints du Moyen-Âge. Enfin, il faut savoir que des communautés exerçant d’authentiques charismes (prophéties, chants en langue, guérison, etc.) ont traversé l’histoire et ont perduré dans des villages reculés jusqu’à l’époque contemporaine. Jean XIII, par exemple, connaissait une des ces communautés installée en Tchécoslovaquie, mais qui n’a pas résisté à la seconde guerre mondiale ; et c’est cette expérience qui, entre autre, a aidé ce pape dont l’action contribua à accueillir les mouvements charismatiques (cf. https://emmanuel.info/petite-histoire-du-renouveau-charismatique/).

Ce qui a été vécu par ces nouvelles Pentecôte est un renouveau et non une nouveauté. Cela avait disparu pour la majorité. En partie par notre faute : quand l’on voit comment les hommes d’Église traitaient les saints qui lévitaient il y a quelques siècles, et comment beaucoup de manifestations extraordinaires sont vues comme de la folie qu’il faut combattre, on ne doit pas s’étonner que l’Esprit-Saint ait retiré ses dons et ses charismes. Et en partie pour une autre raison : parce que l’heure est plutôt à la Croix et non à la Résurrection. Ces manifestations visibles ont semblé disparaître dans une sorte de mort qui ne demande qu’a jaillir du tombeau quand la pleine mesure du sacrifice est atteinte.

C’est pourquoi nous attendons cette véritable nouvelle Pentecôte, qui selon nous dépassera ce que l’on peut imaginer. Jésus a dit : « Amen, amen, je vous le dis : celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes, parce que je pars vers le Père. » (Jn 14, 12). C’est une parole qui demande encore à être réalisée. C’est une partition de l’Évangile qui demande encore à être jouée. Certains ont fait et font encore les même œuvres que Jésus, mais on ne peut pas dire qu’il y ait eu des œuvres plus grandes. Nous attendons donc la manifestation des petits apôtres de l’amour par des œuvres qui dépassent ce qui a été vu jusque là.

Sur les signes, disons aussi que les anges ont vocation à nous être manifestés par des signes concrets. L’Ancien Testament et le Moyen-Âge vivaient un peu de cela, mais pas d’une manière pleine et entière. C’est là selon nous une pierre d’attente d’où doit jaillir un jour un renouveau. Nous appelons cela la Porte du quatrième Chérubin, celui qui dans l’Apocalypse est un peu différent des autres parce qu’il a une face d’homme. Nous voyons cela comme le quatrième archange qui attend son heure. Les trois mousquetaires étaient en fait quatre. Il en est de même des archanges. Nous connaissions le monde temporel, l’institution ecclésiale, la voie prophétique et religieuse. Eh bien, viendra bientôt l’irruption du monde d’en-haut, divin et angélique, pour sceller l’unité du monde, et ce par des signes concrets qui dépassent notre expérience, et dont les gardiens seront les petits apôtres de l’amour. Voilà selon nous ce qui est en attente et en germe dans ce monde qui enfante dans la douleur.

Et pour arriver à cela, il faut chasser le démon qui bloque cette quatrième Porte. Cela ne peut se faire que par Marie et par l’Eucharistie, et par le jeûne et la prière. En se détournant des choses du monde qui ne glorifient pas Dieu pour aller vers celles qui le font. En attendant que Dieu reprenne en main, Lui-même, la destinée du monde, par ses saints et par des signes grandioses.

Ce dont il faut se déprendre, c’est de l’empire financier, technique, consumériste et athée, ainsi que des plaisirs désordonnés, des honneurs immodérés, des biens inconsidérés et de tout ce qui nous éloigne de l’humilité. Une telle perspective doit s’adapter aux circonstances de nos vies, dans un chemin où chaque petit geste compte. Cela doit nous conduire dans une sobriété heureuse vers plus d’amitié et de prière, vers plus de réalités concrètes et non virtuelles.

Nous devons le faire pour passer l’orage qui s’annonce difficile et attendre le renouveau. Nous sommes comme les Hébreux qui doivent traverser le désert : ils ont quitté leurs maisons et leurs travail d’Égypte pour aller vers la Terre Promise où ils ont retrouvé maison et travail. Entre les deux, ce fut le désert qui leur a permis de passer de la servitude intérieure et extérieure, vers la liberté.

Pour ma part, afin de passer ce moment difficile, je cherche à davantage travailler de mes mains, jardiner, bricoler, etc. Je cherche à avoir plus de temps pour mes amis, pour mon village et pour les personnes en difficultés. Je cherche à prier et à adorer plus qu’à l’accoutumée .

Je cherche à me déprendre de l’usage d’internet et du numérique, qui, comme le monde, sans être mauvais en soi, est livré au pouvoir du diable, et risque de nous mener dans ses bras. Bien sûr, certains projets demandent encore son usage. Mais, par exemple, écrire ici n’est plus justifié pour le moment (sauf exception, et à moins que le Seigneur me montre le contraire), ayant écrit tout ce que je voulais dire avant l’orage qui se dresse devant nous. Cela servira, ou cela ne servira pas. Peu importe. Dieu saura réaliser ses projets comme il l’entend.

Je cherche à ne plus toujours avoir un smartphone avec moi, soit en l’éteignant, soit en le remplaçant au moins assez régulièrement par un téléphone à clapet que je me suis procuré qui fait téléphone et SMS, mais qui n’a pas internet.

Je cherche à éviter au maximum tout ce qui touche au pass sanitaire, et à ne pas porter le masque. Le covid est le symbole même de ce monde perdu qui fabrique ses propres maladies et les amplifient virtuellement par du mensonge pour faire peur aux gens afin de mieux manipuler les foules et les mener dans l’abîme. Il n’y a rien à tirer d’une telle logique.

Pour mes activités, professionnelles ou non, qui sans vraiment offenser Dieu sont encore trop dans la logique du monde, je cherche juste à faire le minimum vital, voir à les quitter. Par contre, je privilégie celles qui vont dans la logique de l’amour et de l’Incarnation.

Il faut comprendre que l’enjeu est d’abord spirituel. Il faut laisser le monde livré au diable à sa propre logique de mort, et laisser Dieu refaire nos cœurs et nos vies. D’un côté, le monde s’essouffle si on le quitte ; et bien souvent il n’ose aller trop loin pour ne pas nous « perdre ». De l’autre, Dieu écoute la prière qui monte de nos jeûnes et de nos choix exigeants, et finit par y répondre.

À ce sujet, lors du deuxième confinement, quand le gouvernement a interdit les messes publiques, j’ai choisi de ne plus travailler professionnellement, considérant que rien ne pouvait retenir notre société d’aller à sa perte si le culte était enlevé. J’ai privilégié la prière, la vie sociale, amicale et familiale et le travail manuel. C’était le jeûne agréable à Dieu auquel j’ai mis fin au retour des messes publiques. À cette occasion, j’ai posé des congés et du sans solde, et j’ai conservé mon emploi. Mais je ne me souciais guère de le perdre, du fait de ma situation. Le bureau d’étude où je travaille à mi-temps, sans réellement offenser Dieu, reste dans la logique du monde. Si les messes publiques étaient à nouveau arrêtées, ou si le pass sanitaire était demandé pour y aller, je recommencerai. À chacun de voir le jeûne qu’il est prêt à faire pour plaire au Seigneur en ces temps difficiles.

En tout cas, le jeûne qui semble évident aujourd’hui d’une manière assez générale est celui des écrans, d’internet et de la télévision.

Se déprendre du monde, ouvrir des chemins de vie et de renouveau, et prier et attendre pour l’effusion d’amour que Dieu nous a promis. Voilà le jeûne et la prière qui plaît à Dieu.

Alors, il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne traversée du désert pour quitter l’Égypte et aller vers la Terre Promise. Celle qui jaillira dans ce Noël du monde que sera la véritable nouvelle Pentecôte d’Amour.


Prière de Marthe Robin – Pour une nouvelle Pentecôte d’Amour

Seigneur,
envoyez votre Esprit et tout sera créé,
et vous renouvellerez la face de la terre.

Seigneur, renouvelez votre première Pentecôte.

Accordez, Jésus,
à tous vos bien-aimés prêtres
la grâce du discernement des esprits,
comblez-les de vos dons,
augmentez leur amour,
faites de tous de vaillants apôtres
et de vrais saints parmi les hommes.

Esprit Saint, Dieu d’Amour,
venez, tel un vent puissant, dans nos cathédrales,
dans nos églises, dans nos chapelles, dans nos cénacles,
dans les plus luxueuses maisons
comme dans les plus humbles demeures.

Emplissez la terre entière de vos lumières,
de vos consolations et de votre amour.

Venez, Esprit d’Amour,
apportez au monde
la fraîcheur de votre souffle sanctifiant.

Enveloppez tous les hommes
du rayonnement de votre grâce !

Emportez-les tous dans les splendeurs de votre gloire.

Venez les réconforter dans le présent
encore si lourd d’angoisses,
éclairez l’avenir incertain de beaucoup,
raffermissez ceux qui hésitent encore
dans les voies divines.

Esprit de lumière,
dissipez toutes les ténèbres de la terre,
guidez toutes les brebis errantes au divin bercail,
percez les nues de vos mystérieuses clartés.

Révélez-vous aux hommes
et que ce jour
soit l’annonce d’une nouvelle aurore.

Marthe Robin

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