Après la Miséricorde vient la Justice.
La Miséricorde de Dieu est quelque chose de difficile à comprendre. C’est la marque profonde de son Amour pour nous : il nous communique ce qu’il est, alors que nous ne le sommes pas.
Il nous a créés alors qu’Il n’avait pas besoin de nous. Il nous a communiqués l’existence qu’il avait en propre. C’est une miséricorde.
La Divinité a eu le projet de créer des êtres comme nous dans sa Toute Puissance, dans un amour purement gratuit, et en voulant tellement les associer à son projet qu’Il leur a même donné la liberté de Le renier. La Toute Puissance s’abaisse à solliciter notre oui et notre bon vouloir. C’est étonnant et surprenant. C’est une miséricorde.
Et cela ne s’arrête pas là. Pour aller chercher ceux qui L’ont renié, et parfaire son œuvre, Il choisit de se faire lui-même homme, pour partager notre propre condition sans cesser d’être Dieu. La Toute Puissance vient rejoindre notre misère, pour que dans son Incarnation la Divinité soit unie à l’humanité. C’est une miséricorde.
Le Christ-Dieu, dans son humanité, a renoncé à agir selon sa divinité de Fils pour partager notre propre condition, venant quémander au Père et à l’Esprit-Saint d’intervenir, et ce afin de nous montrer le chemin de la prière, et de nous ouvrir la voie à la vie dans l’Esprit-Saint. C’est une miséricorde et une kénose.
Et il se livre lui-même aux blasphèmes, aux crachats, à la haine et à la croix, pour venir briser par sa vie donnée le cercle infernal de la haine et de la mort, et y mettre son amour, sa vie et sa Résurrection. C’est une grande miséricorde.
Et ce n’est pas encore fini. Il nous donne l’Esprit-Saint pour nous restaurer, et se livre entre nos mains dans l’Hostie et le Vin consacré qui sont sa Présence réelle pour solliciter notre amour, pouvoir vivre en nous, et agir à travers nous. Il compte sur nous pour que sa présence réelle se maintienne en ce monde par les sacrements. C’est une miséricorde.
Et il compte sur notre oui pour que son Règne advienne en ce monde. Il nous demande de faire des miracles et des guérisons en son Nom, de L’annoncer, de libérer ce monde de toutes ses servitudes. Il veut se servir de nous pour réaliser son œuvre et mettre fin au règne de Satan. Quelle miséricorde !
Quel chemin de miséricorde ! Celle-ci n’est pas une permission donnée pour que nous persévérions dans le mal. C’est au contraire Dieu qui s’abaisse pour nous rejoindre au plus profond de notre misère et nous aider à nous relever. C’est Dieu qui veut nous communiquer ce qu’il est, nous rendre participants de ce qu’il est. C’est Dieu qui nous donne son Esprit-Saint pour que nous vivions une vie en plénitude selon son projet et sa puissance, et non nos projets et nos petites capacités de créatures.
Bien sûr, c’est un accueil constant de la miséricorde sur toute une vie qui nous transforme vraiment et permet à l’œuvre de Dieu de se réaliser. Ce n’est pas le fait d’un seul instant. Mais pour celui qui s’abandonne à la Miséricorde Divine, c’est un vrai chemin fructueux de relèvement et de transformation qui doit se dessiner au travers des années et des décennies, et ce en traversant des moments de grandeurs et des moments d’effondrements, des moments où l’Esprit-Saint semble agir à travers nous, et des moments où nos forces et nos vertus semblent disparaître. Jusqu’à ce que nous devenions une flèche bien aiguisée et bien ajustée, qui suive tranquillement sa trajectoire jusqu’à la cible du paradis en portant un fruit abondant ici-bas. Cela est vrai personnellement, mais cela est aussi vrai collectivement. C’est le chemin de toute communauté chrétienne. C’est le chemin de l’Église.
C’est pourquoi la Miséricorde est suivie de la Justice. Dieu vient à nous pour nous ajuster à Dieu, pour nous restaurer, pour nous redonner une vie selon son projet dans toutes les dimensions de l’existence (spirituelles, affectives, familiales, amicales, écologiques, culturelles, relationnelles, professionnelles, économiques…). Dieu nous restaure et nous aide à progressivement prendre notre place dans l’Église pour servir le Règne de Dieu.
C’est pourquoi la confirmation suit le baptême. Celui-ci nous ouvre le chemin de la vie chrétienne, et permet à la grâce de faire irruption en nous pour nous restaurer depuis la racine de notre être, et nous élever à la dignité de fils de Dieu. Celle-là fait de nous des témoins du Christ, nous permet de prendre notre place dans la communauté chrétienne, et de répandre les grâces divines dans le monde. L’un est pour notre sanctification, et l’autre est pour la mission et pour que nous glorifions Dieu.
C’est le sens aussi que peut prendre la différence entre la communion au Corps du Christ et celle à son Sang. Cette idée est présente chez certains Pères. Ce n’est pas qu’il y ait une différence du côté du Christ qui se donne dans le Corps et le Sang. Le Christ y est à chaque fois présent tout entier. Mais la différence se trouve de notre côté, dans les grâces que l’on peut demander à recevoir dans l’une et dans l’autre. Ce sont deux postures différentes. Manger le Corps du Christ nous permet de vivre notre vie chrétienne. C’est le lieu de la Miséricorde Divine pour nous installer dans la Justice. Boire le Sang du Christ nous permet de rendre témoignage : installé dans la Justice nous pouvons annoncer son Règne.
On peut voir cela dans un passage de l’Apocalypse (14, 14-20) :
Alors j’ai vu : et voici une nuée blanche, et sur cette nuée, quelqu’un siégeait, qui semblait un Fils d’homme. Il avait sur la tête une couronne d’or et, à la main, une faucille aiguisée.
Un autre ange sortit du Sanctuaire. Il cria d’une voix forte à celui qui siégeait sur la nuée : « Lance ta faucille et moissonne : elle est venue, l’heure de la moisson, car la moisson de la terre se dessèche. »
Alors, celui qui siégeait sur la nuée jeta la faucille sur la terre, et la terre fut moissonnée.
Puis un autre ange sortit du Sanctuaire qui est dans le ciel ; il avait, lui aussi, une faucille aiguisée.
Un autre ange encore sortit, venant de l’autel ; il avait pouvoir sur le feu. Il interpella d’une voix forte celui qui avait la faucille aiguisée : « Lance ta faucille aiguisée, et vendange les grappes de la vigne sur la terre, car les raisins sont mûrs. »
L’ange, alors, jeta la faucille sur la terre, il vendangea la vigne de la terre et jeta la vendange dans la cuve immense de la fureur de Dieu.
On se mit à fouler hors de la ville, et de la cuve sortit du sang, jusqu’à hauteur du mors des chevaux, sur une distance de mille six cents stades.“
C’est d’abord le Christ qui est là, et un ange le suit. Il est question d’une moisson, qui doit être celle du blé. C’est la communion au Pain où le Christ nous restaure. C’est l’heure de la Miséricorde qui permet à la Justice de Dieu de faire irruption en nous.
Puis vient un autre ange qui agit pour la vendange, à l’image du Christ. Et encore un autre ange, comme le premier, pour demander cette vendange, comme pour témoigner de l’importance de la prière. Ce sont ici les témoins de Dieu qui agissent en son Nom pour propager son Règne : en priant et en œuvrant pour le Seigneur.
J’aimerais ouvrir ici une réflexion sur la manière de communier. J’avais déjà élaboré quelques idées dans cet article (De la délicate manière de communier). Le débat que l’on entend partout tourne autour de debout ou à genoux, sur la langue ou dans les mains. J’ai pour ma part pratiquer un peu toutes ces manières en étant longtemps resté perplexe quant à ce que le Seigneur voulait à ce sujet. Pour résumer en une phrase : d’un côté, Jésus semble se plaindre que des mains non consacrées le reçoivent indignement, et de l’autre l’Hostie vole plusieurs fois pour se poser dans les mains de sainte Faustine à qui le Seigneur dit qu’il veut aussi reposer dans ses mains et non pas seulement dans sa bouche… Et ce sont alors des débats sans fin où chacun pense avoir raison pour de bonnes raisons.
En fait, je crois que le problème vient du fait que l’on cherche à poser deux gestes en un seul. Le Seigneur a fait le Pain et le Vin, et ce n’est pas pour rien. Ce sont des questions pratiques qui nous ont conduits à abandonner l’usage ordinaire de la communion aux deux espèces. Mais il se peut que l’on ait perdu au passage la richesse du sens et des postures spirituelles que le Seigneur avait prévues. On a pu y perdre une certaine folie de l’Évangile, un mystère de surabondance. Manger le Pain est le lieu de la Miséricorde pour nous relever. Boire le Sang est le lieu où l’homme sanctifié rend gloire à Dieu et répand son Règne dans le monde. Le disciple devient missionnaire. Et c’est la sanctification et la glorification. Cela appelle des postures et des intentions du cœur différentes. Et un chrétien doit vivre les deux, sous peine de vivre un christianisme tronqué.
Je crois que communier à genoux et/ou sur la langue signifie cette Miséricorde où Dieu nous rejoint dans notre misère pour nous relever et nous surélever. Et je crois que communier debout et/ou dans les mains signifie l’attitude du témoin du Christ qui vit pleinement de sa vie, qui n’en est plus seulement à la Miséricorde, mais chez qui la Justice de Dieu a fait son œuvre de restauration.
Évacuer la première posture conduirait à se croire juste sans finalement avoir radicalement besoin de Dieu et de sa grâce. Cela peut conduire à une sorte de pharisaïsme moderne ; qui peut prendre une forme humaniste où parce que l’on est chrétien et que l’on a la loi de l’amour du prochain, on peut se passer de mendier à Dieu sa vie et son salut, de se reconnaître pêcheur et de confesser ses péchés ; ou qui peut prendre une forme charismatique, où parce que l’on a l’Esprit-Saint et que l’on agit au nom de Jésus, on est déjà sauvé, et on a plus besoin de mendier son amour et de s’ajuster à la relation avec Lui.
Évacuer la deuxième posture est également très problématique parce qu’elle s’oppose à l’Évangile et au projet de Dieu. Dieu n’est pas seulement un Roi qui vient nous gouverner, mais aussi un Époux qui veut vivre en nous, partager sa vie avec nous, et nous donner ce qu’il est. Il nous veut pleinement vivant. Il veut se livrer dans nos mains par amour pour vivre l’amour. Il veut restaurer toute notre humanité, tous nos sens, toutes nos relations. Il veut que nos désirs s’épanouissent et se réalisent en Lui.
Il me semble donc que le souhait de Dieu en la matière serait de revenir ordinairement à une communion aux deux espèces séparément. La communion au Pain, faite à genoux et sur la langue, montrerait la Miséricorde de Dieu venue nous relever et nous surélever. Et la communion au Vin, faite debout et en prenant la coupe à pleines mains, montrerait que nous sommes désormais des christs dans le Christ, des témoins vivants de la Divinité, et que nous vivons de sa vie.
Je pense que la communion au Vin devrait être réservée aux personnes confirmées et qui vivent publiquement en adéquation avec l’Évangile. Et il me semble que la communion au Pain serait donc possible pour ceux qui sont en chemin vers la confirmation ; et aussi avec discernement pour ceux qui sont en chemin pour sortir de situations illégitimes, ce qui ne peut se faire souvent qu’avec le temps et uniquement en s’appuyant sur la Miséricorde divine.
Car la Justice suit la Miséricorde.
Quand il n’est pas possible de communier aux deux espèces dans une assemblée, je trouve assez délicat de réussir à vivre l’intégralité du mystère chrétien, pour concilier justice et miséricorde, et pour adopter toutes ces postures. On les trouve réunies dans une assemblée où il y a une diversité de manière de communier, mais rarement dans chaque personne.
Beaucoup de chrétiens se fatiguent, courant à droite et à gauche, car ils n’ont pas pris assez le temps de laisser la grâce de Dieu agir en eux. Il faut prendre le temps de cette adhésion à la grâce divine qui vient nous restaurer. La Miséricorde de Dieu n’est pas un acte passif. Mais elle sollicite notre engagement, notre adhésion, notre oui pour que l’Esprit-Saint nous recouvre et nous transforme. Cela demande de s’abandonner à Dieu, de se reposer en Lui, de se mettre par choix renouvelés sur son Cœur pour y entendre ses battements d’amour. Cela demande de prier, mais aussi de savoir se reposer réellement, de dormir et faire la sieste, pour offrir ce temps où Dieu dépose en nous sa vie et sa paix dans un abandon qui est aussi physique et psychologique, et pas seulement spirituel. Dieu n’aime pas que les gens soient fatigués. Dieu n’aime pas que l’on ne sache pas se reposer. Car la Miséricorde doit précéder la Justice.
Certains chrétiens semblent attachés au fait de souffrir pour porter du fruit en ce monde. Ils s’imaginent que Dieu veut cette souffrance. Ils annoncent un Dieu qui veut se servir de cette souffrance pour que son Règne advienne. Ils prêchent un Dieu de la souffrance, et finalement nous entraînent vers la souffrance. Mais le seul Dieu que l’on doit prêcher, c’est un Dieu qui a le désir profond que personne ne souffre. La souffrance vient du péché, et Dieu veut ôter le péché et par là la souffrance. La Miséricorde de Dieu nous installe dans la Justice. Et dans la Justice, il n’y a plus de souffrance, car l’œuvre de Dieu est restaurée. Dieu a pris nos péchés, nos maladies et nos souffrances et les a brisés par sa Croix. Bien sûr, celui qui vit de cette Justice va voir les forces du mal (démons, péché…) chercher à détruire l’œuvre de Dieu en lui, comme ils ont voulu détruire Jésus. Et cela peut provoquer de la souffrance. Mais on sait alors ce que l’on défend, ce qui est notre horizon, ce qui est là au fond de notre cœur, ce vers quoi l’on veut, et l’on peut par la grâce de Dieu, toujours revenir : un monde de vie, de joie et de bonheur, sans péché et sans souffrance. C’est le Royaume de Dieu qui est joie, paix, vie, amour et lumière. Et non le royaume du diable qui est péché, tristesse, maladie, haine et ténèbre. En Dieu, il n’y a pas de souffrance : Il a seulement souffert dans son humanité et pour un temps limité.
Pour être pleinement dans ce Royaume, cela demande de savoir se déprendre des idoles qui pourraient nous en détourner : plaisir, honneur, richesses, distractions, pratiques ésotériques… Ce n’est pas que Dieu ne veut pas pour nous une plénitude de vie, mais il faut savoir renoncer à tout ce qui empêche la vie divine de se déployer en nous. Et il faut bien voir que dans cette vie divine, nous trouvons joie et plaisir, paix et prospérité, plénitude et béatitude, communion avec les anges et avec l’Esprit-Saint… À nous de choisir entre le Règne de l’Amour et le Règne de l’orgueil. C’est notre responsabilité de savoir qui l’on veut servir.
Dans le Notre Père, nous faisons cette demande : « Que ton Règne vienne ! » Ce Règne du Père, est le Règne de Jésus qui est le Roi de Gloire. C’est un Royaume qui est déjà là, car Jésus est là et l’Esprit-Saint a été répandu parmi nous. On use parfois de l’expression : déjà là et pas encore. Ce n’est pas faux, mais légèrement équivoque. Car il ne faut pas que le « pas encore » relativise le « déjà là ». Ce Royaume est déjà là, mais il n’est pas encore là dans toute sa plénitude. Il faut donc chercher à ce qu’il soit là toujours davantage jusqu’à sa pleine réalisation dans l’éternité. Déjà là, et toujours davantage. Notre monde n’est pas clos sur lui-même. Il est déjà ouvert au Royaume de l’éternité… À nous de prier et d’œuvrer pour que ce Règne s’installe toujours davantage.
Ce Règne vient par ceux qui vivent de l’Évangile. Leur oui est comme celui de Marie qui permet à la grâce de se répandre en ce monde.
Nous parlions plus haut des sacrements de l’initiation chrétienne (baptême, première communion, confirmation) donnés par les ministres de l’Église et qui permettent d’entrer dans un véritable chemin chrétien. Comme leur nom l’indique, ils correspondent au temps de l’initiation qui fait de nous des débutants et des commençants, et non point encore des anciens et des affermis. Nous suggérerions opportuns dans beaucoup de nos communautés chrétiennes de formaliser davantage le parcours spirituel pour arriver à la pleine maturité chrétienne. Les sacrements de l’initiation sont ceux de l’enfance. Mais d’autres étapes importantes attendent chaque baptisés, comme en témoignent par exemple la spiritualité du Carmel ou la pédagogie scout. Ce serait toute la communauté des Anciens de nos assemblées qui pourraient porter cette démarche initiatique et progressive, avec des rites pour chaque étape.
Le chemin d’un baptisé débute par quelques années pour devenir un bon chrétien vivant des vertus théologales et cardinales, pratiquant les sacrements, s’attachant aux dix commandements et à la loi de l’amour, priant et étant à l’écoute de la Parole de Dieu. C’est l’état du disciple. Puis, parfois suite à une effusion de l’Esprit-Saint et une expérience de véritable fraternité chrétienne, un chemin s’ouvre vers une plus grande intériorité. Nos yeux découvrent alors les réalités d’en-haut. Et nous commençons à percevoir que l’Esprit-Saint agit en nous par ses dons, ordinaires et progressivement aussi extra-ordinaires. Les béatitudes sont alors notre boussole. C’est une étape de maturation qui ne doit pas nous porter trop vite vers les œuvres extérieures pour bien asseoir en Dieu les fondements de notre maison. Nous sommes alors des amis de Jésus. Nous entrons dans son intimité.
Quand cette étape a suffisamment été vécue, nous pouvons aller vers davantage de mission et d’apostolat, et commencer à user pleinement des charismes et grâces d’état. Cette étape nous conduira à nous ajuster à Jésus, à nous interroger sur qui est finalement notre Dieu que l’on croyait connaître. C’est un temps de fiançailles où nous goûtons combien Dieu vit en nous et veut agir à travers nous. Puis, quand nous trouvons finalement dans la vie divine le tout de notre vie, quand celle-ci se déploie en nous au-delà de toutes nos attentes, nous sommes finalement dans cet état d’Anciens dont parlent les Actes des Apôtres.
Nous vivons alors des Noces avec le Christ pour que sa vie se renouvelle en nous. Cela peut nous mener selon les appels et les saisons à des moments plus joyeux, lumineux, douloureux ou glorieux. Mais le Christ vit en nous, et c’est notre joie ! Et si, dans la volonté impénétrable de Dieu, certains se trouvent unis d’une manière particulière à sa mort et à sa Résurrection, arrivant comme la Vierge Marie à l’aurore de ce jour où la vie a jailli du tombeau donnant pour toujours une joie intérieure inébranlable, on peut dire que ce sont là de vrais Apôtres, dans un sens particulier difficile à décrire, et dont il est mal aisé de réellement comprendre l’impact que ces Saints ont sur le reste de l’humanité. « Le monde attend la manifestation des fils de Dieu… » (Rm 8, 9). Ce mystère nous échappe. Nous n’en percevons en regardant l’histoire de l’Église jusqu’à aujourd’hui que les prémices. Et déjà nous jubilons d’une indicible allégresse, même si le meilleur est encore à venir.
On dit, en se fondant sur les écrits des Pères, que l’Église suit les étapes de la vie du Christ. Le Corps est appelé à passer par le même chemin que la Tête. La fondation de l’Église a été accompagnée de nombreux miracles opérés par Jésus, et aussi par les chrétiens en son Nom ; de la même manière que l’Annonciation et la Nativité furent des moments de forte intervention divine. Ces miracles furent nombreux au moins jusqu’au IVème siècle. Puis, ils ont toujours existé, mais de manière plus restreinte et ne surgissant souvent qu’en des lieux de mission. On constate depuis plus d’un siècle un retour de ces miracles, en partie grâce aux évangéliques. Comme si le Seigneur disait aux catholiques : « Même si vous avez la plénitude des moyens de salut (sacrements, magistère…), votre compréhension de l’Évangile reste très imparfaite, votre manière de vivre reste très déficiente. Je veux vous conduire dans une plus grande plénitude qui vous fera percevoir pourquoi l’Église s’est divisée, pourquoi l’amour s’est refroidi. Beaucoup de choses n’ont pas encore été bien assimilées et interprétées durant ces 2000 ans d’histoire chrétienne, alors je vais reprendre les choses en main. »
Le Christ a vécu 30 ans environ sans faire beaucoup de miracles. Il en a peut-être fait, mais peu, et pas au point d’en acquérir une vraie notoriété. Ainsi, l’Église a jusque là fait des miracles, mais sans pour autant que cela soit flagrant dans chacune de nos communautés. Mais vient la vie publique de Jésus. C’est le temps qui s’ouvre devant nous. C’est comme si notre civilisation vivait une sorte de Pâques pour accoucher de ce temps de l’histoire. Benoît XVI a dit que nous vivions un long Samedi Saint. Mais vient le Dimanche de la Résurrection, qui sera pour nous une manifestation des Apôtres de l’Amour de Jésus venus faire les mêmes œuvres que lui, et même de plus grandes, car Il vit en eux et qu’Il porte ce monde vers un plus grand accomplissement.
Alors Jésus, que ton Règne vienne sur la Terre ! Nous l’attendons. Envoie tes Apôtres de l’Amour pour l’établir fermement d’une manière visible. Qu’ils fassent les même œuvres que toi, qu’ils témoignent des trésors d’amour de ton Cœur, qu’ils soient des remparts d’infaillibilité morale scellant ta reprise en main de la destinée du monde, et qu’ils établissent une véritable civilisation de l’amour où chacun ait sa place. Que la Miséricorde de Dieu aboutisse à ce temps de la Justice où les choses sont restaurées selon le projet de Dieu ! C’est à nous de dire oui.