De la délicate manière de communier

hoste et calice

« Prenez et mangez »
« Prenez et buvez »

Communier est un acte immense. Nous recevons en nous le Christ dans son Corps et son Sang, dans son Humanité et sa Divinité. C’est Dieu qui vient nous visiter. Nous le recevons comme un enfant dans nos bras, dans nos bouches, dans nos âmes. Il est là, livré, abandonné… Il n’attend que notre amour, il guette notre regard. Et si nous répondons à son amour, il nous remplit de ses dons, de son Esprit, de sa force et de sa joie. C’est un déferlement d’amour qui nous envahit, une déflagration de le plus grosse bombe de l’histoire, celle de l’Amour fait chair.

Qu’il est beau d’observer ses frères et sœurs communier, s’approcher de la table eucharistique, goûter le pain de vie. Qu’il est beau de voir toutes ces âmes voulant vivre d’amour, voulant vivre de Dieu. C’est édifiant, on y découvre des trésors insoupçonnés.

Et pourtant, il nous est tous arrivé un jour ou l’autre d’être surpris par telle ou telle manière de communier. Il nous est tous arrivé de nous dire : celui-là, il manque d’amour ; celui-là, il manque de foi ; celui-là, il n’a pas un bon esprit, une bonne spiritualité ; celui-là, il ne communie pas comme moi ; celui-là, il manque de révérence envers Dieu ; celui-là, il n’a pas tout compris. Et nous nous sommes mis à juger, à observer de l’extérieur, à critiquer, à vouloir nous différencier. Et la communion, au lieu d’être le moment de l’amour et de l’unité, est devenu le moment de la division et de la séparation. Le Corps s’est trouvé être déchiré par nos paroles intérieures et extérieures. Et nous avons perdu de vue le Christ. Nous avions posé en cet instant le geste de la communion pour nous unir à Lui, et finalement nous n’avons pensé qu’à ces autres qui sont autour de nous pour commenter leurs actes et nous comparer à eux.

Autant il est vrai qu’il y a un vrai travail à réaliser pour corriger nos regards, nos gestes et nos paroles afin de bien communier. Autant il est vrai qu’il ne faut pas faire de la communion un moment de division, ce serait pire que tout. « Si donc tu présentes ton offrande à l’autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère ; puis, viens présenter ton offrande. » (Mt 5,24). Oublions ces choses qui nous différencient des autres, ne cherchons pas à percer les secrets des cœurs, à mesurer la foi ou l’amour par les gestes extérieurs, mais plongeons-nous plutôt dans le mystère de Dieu qui attend notre propre amour. Il attend que nous lui donnions le nôtre, pas celui du voisin.

Il y a ceux qui communient debout, ceux qui communient à genoux, ceux qui communient sur la langue et ceux qui communient dans la main.

La communion sur la langue marque davantage la transcendance de Dieu, elle montre qu’il est au-delà de tout ce que nous sommes. Elle témoigne que nous dépendons de Dieu en toute chose. Elle marque que le toucher divin nous plonge ultimement dans le monde spirituel.

La communion dans la main marque davantage l’Incarnation de Dieu, qu’il est venu pour que nous le touchions et le regardions, et que cette réalité du contact charnel avec Dieu nous attend au Ciel. C’est notre horizon. Recevoir dans ses mains le pain de vie, c’est rectifier le geste d’Adam et Ève qui ont utilisé leurs mains pour prendre le fruit défendu au lieu de tout recevoir de Dieu. C’est marquer qu’il vient dans notre petitesse, en se faisant petit enfant comme il l’était à la Crèche.

La communion sur la langue contient le danger de nous faire négliger l’Incarnation et le visage de petit enfant qu’a pris Dieu en venant dans nos âmes.

La communion dans les mains nous fait courir le risque de perdre de vue le respect dû à la grandeur de Dieu.

L’Église demande un geste de révérence et permet ces diverses manières de communier. En ces choses-là et parmi les choses autorisées, comme le dit saint Paul à propos de la nourriture, que personne ne soit embêté, que chacun agisse selon sa conscience et fasse tout pour la gloire de Dieu (1 Co 10,31). Nous pensons pour notre part que cette dualité de formes de réception de la communion est saine et féconde. De la même manière que la dualité de la masculinité et de la féminité au sein de l’humanité, ou que celle de l’orient et de l’occident au sein de l’Église, sont des choses bonnes et fécondes, qui nous enrichissent mutuellement. Aucun de nous ne résume à lui seul tout le mystère, ni toute la manière de vivre le mystère. La vraie question autour de la communion eucharistique n’est en fait pas celle de la forme de réception de l’Hostie, mais celle de la nécessité de développer une vie intérieure eucharistique.

L’urgence, la nécessité, est que tous les chrétiens prennent le temps de passer des heures en silence devant Jésus-Hostie jour après jour, semaine après semaine, année après année, pour contempler ce Dieu qui se rend présent sous ces espèces et qui veut venir habiter dans nos cœurs. Comment finalement peut-on bien recevoir le Divin Rédempteur si l’on n’a pas pris le temps de méditer, de contempler, d’adorer et d’intérioriser la Divine Présence ? Comment peut-on bien communier si l’on ne passe pas du temps à adorer ? Le reste n’est que vaines querelles. Ce ne sont que des disputes inutiles qui nous éloignent de l’essentiel.

Plutôt que de nous observer les uns les autres et de passer du temps à nous classer par catégories et sensibilités, cherchons plutôt à nous encourager à passer des heures devant Jésus-Hostie. C’est là l’unique nécessaire. Et alors, la communion deviendra le lieu de l’unité du monde avec Dieu. Et alors les divisions de l’Église tomberont les unes après les autres. Et alors Dieu sera mieux aimé, les gestes seront plus respectueux et aimant, les regards iront au cœur des choses. Et alors l’Amour triomphera.

Et peut-être que si nous demandions à notre ange gardien, à la Vierge Marie et à saint Joseph à chaque communion de bien vivre cette communion, à chaque messe de bien vivre cette messe, à chaque adoration de bien vivre cette adoration, à chaque journée de bien vivre cette journée, et que nous le demandions aussi pour ceux qui nous entourent, peut-être que la face du monde changerait. Et peut-être que la communion s’établirait dans tous les cœurs. Car communier nous engage à réaliser cette communion dans le monde. Communion des hommes avec Dieu, communion des hommes entre eux, et, ce que l’on oublie trop souvent, communion des hommes avec les anges. La communion est quelque chose de grand, de très grand. Elle nous introduit dans la vie même de la Trinité. Rendons grâce à Dieu par de nombreuses louanges pour cette merveille !

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