Bientôt nous serons en Carême, dans le chemin du désert qui nous mène jusqu’à la Terre Promise. Alors que nous naviguons en eaux troubles, il est bon de nous replacer devant notre seule espérance : l’amour de Dieu qui s’est manifesté en Jésus-Christ. C’est là l’unique planche de salut. Un monde qui vit loin de ce mystère ne peut inévitablement que tomber en déchéance et ne bientôt plus avoir d’autre secours à espérer que de revenir vers cette source vive et inépuisable qui peut nous renouveler au-delà de tout échec. C’est le mystère du Sacré-Cœur de Jésus qui nous aime ardemment. C’est le mystère de la Pâques où Dieu nous refait de l’intérieur, où Jésus par sa Passion et sa Résurrection nous sort de nos ténèbres et nous redonne vie et liberté.
C’est un chemin à prendre. Réfléchir à ce qu’est un chemin ecclésial ne devrait nous conduire qu’à cela : Comment mieux vivre ensemble le mystère pascal ? C’est dans ce questionnement que doit se faire tout dialogue dans l’Église.
L’amour est vertical et horizontal, comme les deux bras de la Croix. L’amour est union à Dieu qui est la source immense de toute vie et de tout amour. Et l’amour est présence à nos frères en humanité où l’amour de Dieu vient se manifester jusque dans les moindres détails. L’amour est aussi communion avec le monde céleste des anges et des saints. L’amour nous accompagne partout ; l’amour est pour chaque instant de nos vies.
L’amour est centripète et centrifuge. Il va vers l’intérieur dans l’union, et vers l’extérieur dans la fécondité. Il est intensif et extensif. Il est communion et rayonnement. Il est unité et communication. Chacun doit trouver ses propres lieux d’amour qui se vivent dans l’union, sans entrer dans la confusion avec les autres foyers d’amour : avec eux, il faut communiquer pour être dans la communion, mais non pas faire disparaître l’altérité.
L’amour dans la vérité rend libre. Notre civilisation n’a pu accueillir une vraie liberté que par la chrétienté où un Dieu d’amour nous a rendus libres : seul le Dieu de Jésus-Christ peut permettre à la vie de croître harmonieusement, et garantir le respect de nos choix de conscience quand ils s’expriment avec responsabilité dans l’engagement de nos vies. Car en christianisme la spiritualité et l’amour de Dieu sont vus sous l’angle de l’Alliance amoureuse, et non sous l’angle d’une soumission aveugle, d’une indifférence auto-référencée ou d’un utilitarisme anti-personnaliste. L’éclipse du christianisme ne peut conduire qu’à l’éclipse de la liberté.
Dans une famille, l’amour crée une unité qui ouvre à la communauté et au don. Le centre de la famille se situe au cœur de la relation de l’homme et de la femme. C’est là que l’enfant vient naître. Et de ce centre où il reçoit la vie, il est appelé à partir vers l’extérieur pour vivre sa propre vie et fonder un nouveau foyer où l’amour de Dieu vient se manifester.
Toute personne est un foyer où Dieu vient naître comme il a pris chair dans la Vierge Marie : l’Esprit-Saint se répand dans tout l’être, et l’Enfant-Dieu vient y habiter pour la gloire du Père. C’est ce qui se passe à l’Eucharistie : la vie divine nous est donnée pour que nous soyons des fils dans le Fils. Et Celui-ci réalise dans sa Personne l’unité du genre humain où nous communions d’un même mystère qui nous plonge dans les relations trinitaires. Toute grâce en ce monde est là pour nous préparer ou nous faire vivre ce mystère. La communauté humaine se constitue dans son renouvellement par la venue de Jésus-Christ, l’Agneau de Dieu, en son sein. C’est cet amour divin qui ensuite se répand de nos cœurs, comme d’une coupe qui déborde. Toutes nos relations humaines sont là pour répandre ce mystère, pour que l’Esprit s’unisse à toute personne et que chacun vive de la présence de Jésus-Christ qui vient habiter chez nous.
Nous attendons les petits apôtres de l’amour qui vivront ce mystère et trouveront les voies pour l’annoncer au monde d’aujourd’hui, non pas par leur propre force, mais par la puissance de l’Esprit-Saint. Il n’y a pas à attendre de renouveau d’une manière volontariste, par des projets et des stratégies humaines. Par contre, il faut que s’allume dans nos cœurs un feu divin que personne ne pourra éteindre, et qui embrasera le bois mort du monde en quête de renouveau. La route inévitable pour arriver à cela est le mystère pascal : Gethsémani, la Croix, la mort et la Résurrection. Cela peut faire peur, et faire mal. Mais quand vient l’heure de la Résurrection, alors c’est un feu nouveau, une vie, une joie, une paix, inébranlable, indestructible. Dieu veut donner à notre monde ce fondement inébranlable du mystère de la Résurrection sur lequel les ténèbres n’auront plus de prise.
La grâce du prêtre, c’est de nous donner ce mystère à vivre par les sacrements et par la garde de la Tradition. La grâce du prophète, c’est de nous enseigner les chemins de ce mystère en proclamant la parole et en vivant saintement. La grâce du roi, c’est de répandre le Règne de l’Amour par une vie donnée pour ses frères et par une charité débordante. La grâce du prêtre se manifeste particulièrement dans la fonction sacerdotale. La grâce du prophète se rend visible grâce aux religieux. La grâce du roi est pour tous, le diaconat en est une expression, mais ceux qui en témoignent le plus sont les laïcs consacrés, autrement appelés consacrés dans le monde, qui donnés à Dieu se donnent aussi chaque jour à leurs frères en humanité. Ils sont les témoins du Royaume comme faisant irruption au cœur de ce monde, là où les religieux nous parlent de ce Royaume comme existant au-delà des apparences de ce monde.
Le drame vient quand une personne, un groupe ou une institution prétend résumer à lui seul ces trois composantes. Unifier tout cela dans une seule main appartient au Christ seul. Se positionner comme dépositaires et représentants de ces trois composantes au sein de l’Église est une tentation anti-christique. Si l’on y sombre, tout perd alors de sa saveur, tout se dénature, tout s’effondre. Aujourd’hui, il semble y avoir encore en devenir une juste compréhension de la manière dont ces trois composantes peuvent se rendre visibles dans trois hiérarchies : nous suggérions déjà dans Hommes et Femmes dans le plan de Dieu l’arrivée prochaine d’un ordre prophétique féminin, comme cette Femme qui vient dans le Ciel de l’Église en Apocalypse 12, pour compléter l’ordre sacerdotal masculin. Quant à un ordre royal, il reste pour le moment un mystère et sera très certainement l’œuvre de ceux que de nombreuses prophéties ont appelé les petits apôtres de l’amour regroupés dans un ordre gardé pour les derniers temps.
La vocation de l’Italie par l’accueil de la papauté est de porter plus particulièrement la fonction du prêtre. La vocation de l’Espagne par sa floraison spirituelle est de porter plus particulièrement la fonction du prophète. La vocation de la France qui est la Fille Aînée de l’Église est de porter plus particulièrement la fonction royale du Christ. La vocation de l’Angleterre concerne aussi la dimension royale, mais d’une manière d’abord temporelle, et non spirituelle. La vocation de l’Allemagne à la suite du Saint-Empire est d’œuvrer avec la France pour l’unité de toutes ces composantes ; non pas pour les réunir dans une seule main, comme ce fut sa tentation, mais pour aider chaque composante à agir en communion avec les autres.
Aujourd’hui, ces pays semblent à bout de souffle, et la chrétienté semble s’y éteindre. Mais l’étincelle de l’amour va y brûler et tout renouveler. Le Sacré-Cœur de Jésus bat pour ces pays, et même s’ils s’effondrent, c’est sur Jésus qu’ils s’effondrent, et celui-ci les relèvera. Un combat aux dimensions mondiales se joue en Occident pour que le feu prenne et embrase tout, pour que le mystère de l’amour de Dieu se manifeste. L’Amérique a été un lieu de théâtre de ce combat. L’Afrique nous a aidés à rester en vie et à ne pas sombrer. De la rencontre avec le Moyen-Orient, l’étincelle de l’amour va embraser le monde et se répandre jusqu’aux confins de l’Asie et de l’Océanie. C’est une route qui mène de l’Ouest vers l’Est, du soleil couchant au soleil levant. Cela passe par la nuit. Mais la lumière de la Lune nous accompagne, et l’aurore se lèvera avec certitude.
Alors, n’ayons pas peur : Dieu veut reprendre en main la destinée du monde. Prions pour cela et soyons sûr que l’amour miséricordieux de Jésus-Christ nous donnera le salut.
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