Le sceau de Dieu

L’Agneau mystique que tous viennent adorer (Jan van Eyck)

Une personne m’a rapporté avoir vu un arbre tombé un jour, pourri par le milieu. Ce n’était pas la base qui avait pourri, mais le tronc à mi-hauteur. C’est là l’image de notre monde. Ses racines ont plongé dans le christianisme, mais en grandissant, il l’a rejeté. Il s’est bâti fier et élancé. Cependant, son tronc à mi-hauteur est pourri et il va s’effondrer.

L’effondrement va-t-il être brutale ? Nous pourrions le croire aujourd’hui. Pourtant, Dieu maintient visiblement encore ce monde dans une certaine unité. De fait, nous pensons que le Seigneur va donner encore un peu de temps à notre civilisation, pour que nous puissions nous préparer à vivre une Pâques. Il va s’agir d’abord de grandir en résilience : enracinement, circuits-courts, etc. Mais nous pensons aussi que le Seigneur a encore une mission pour notre monde, une dernière avant un renouvellement par la Croix. Il veut s’en servir pour manifester une lumière de l’Évangile qui n’a pas encore été suffisamment explorée ; il a un dernier mystère à nous manifester, à nous rendre explicite.

Ce mystère touche à l’Incarnation. Et c’est bien là, à l’Incarnation, que le bas blesse : notre attitude durant la crise sanitaire a bien montré que nous n’avons pas su défendre l’Incarnation. Plus de sacrements, plus de présence réelle, plus de visites, que du virtuel et des écrans, et chacun chez soi.

Saint Jean nous avait prévenus : « Car de nombreux séducteurs se sont répandus dans le monde : ils ne professent pas la foi à la venue de Jésus Christ dans la chair. Le voilà, le séducteur et l’antéchrist ! » (2 Jean 1, 7). Et c’est bien à cela qu’il nous faut venir : défendre l’incarnation, et bâtir la civilisation de l’amour.

Ce que nous appelons civilisation de l’amour est une société bâtie autour du Verbe fait chair et qui vit de charité concrète : elle ne peut négliger la dévotion eucharistique, le juste rapport au corps, en particulier dans sa dimension sexuée et dans une fécondité bâtie sur la relation homme-femme, et la convivialité dans ce qu’elle a d’incarnée par une multitudes de rencontres et de repas, et par l’utilisation des beautés de la culture et la mise en œuvre d’une authentique créativité. Cette civilisation ne peut négliger la nature où la matière est le reflet des splendeurs de la spiritualité. Et elle ne peut négliger le monde des anges, sans lequel notre spiritualité vire vers le rationalisme et l’idéalisme, et sans lequel l’unité de notre être fait d’esprit et de matière se trouve déséquilibrée. Il n’y a rien de plus concret qu’un ange, si ce n’est Dieu lui-même. La civilisation de l’amour est donc une civilisation de l’Incarnation.

On se demande souvent ce que l’on peut faire pour notre monde. La réponse me semble simple : se regrouper en petite fraternité avec ce désir de défendre ensemble l’Incarnation et de bâtir la civilisation de l’amour. On peut s’inspirer à ce sujet du livre de Rod Dreher, Comment être chrétien dans un monde qui ne l’est plus, Le pari bénédictin. Il suffit de commencer à deux ou trois amis. Et en priant ensemble, en partageant sur l’Évangile, en rencontrant Jésus-Hostie, en se formant, des petites initiatives et des moyens concrets ne peuvent que progressivement se dessiner. Inutile d’attendre une direction ou une approbation de ceux qui nous gouvernent dans l’Église ou dans l’État, chacun est libre et responsable pour s’engager : l’Église affirme même que nous n’avons pas besoin de l’accord des clercs pour faire des œuvres d’évangélisation. Il faut se confier aux anges, et notamment à saint Raphaël qui a un rôle particulier à notre époque, au côté de saint Michel. Il est le médecin et le guide, celui qui doit mener ce monde vers la lumière. Vous trouverez ici une neuvaine à son intention : https://hozana.org/t/iciyZ

Défendre l’Incarnation… Le lieu par excellence où le mystère de l’Incarnation se manifeste, c’est à Noël, à la Crèche. Nous conseillons, pour vivre convenablement le temps que nous vivons dont il faut prendre la pleine mesure, d’installer à demeure une crèche chez soi, dans un lieu visible, pour y méditer sur le mystère de l’Incarnation. Pour y revenir. Pour que notre cœur soit habité par ce Dieu qui est venu dans la chair, qui est allé jusqu’à se faire petit enfant. Une tradition ancienne dans l’Église dit que le choix des anges à l’origine s’est fait en contemplant le mystère de Noël, en voyant la Crèche et l’Enfant-Dieu : allait-il servir un Dieu d’Amour qui irait jusque là ? Beaucoup ont fait le choix de servir, d’autres ont refusé. La Crèche est donc par excellence un lieu de résistance face à l’esprit démoniaque. Il n’aime pas la Crèche. Il fuit devant ce mystère dont il n’a pas voulu.

Défendre l’Incarnation… Nous pourrions être pris de colère devant les égarements de notre monde, ou devant nous-mêmes qui sommes finalement bien lâches et incapables. Et la colère risque de nous mener à l’aigreur et à faire le jeu des démons. Ce que nous conseillons, c’est de faire au contraire de l’enthousiasme notre passion motrice. Être enthousiaste devant le bien, c’est cela qui doit nous mener de l’avant. Et non la colère devant le mal. Nous en parlions dans notre article La douzième passion. Bien sûr, la colère est aussi une passion motrice, mais elle ne doit pas avoir le dessus, elle ne doit pas prédominer, sinon nous ne ferons que détruire. Il est cependant pire que de se laisser emporter par la colère : c’est d’être indifférent à tout. Il est possible de transformer la colère devant le mal en enthousiasme pour faire le bien. Mais il est très difficile de sortir d’une apathie où l’on ne s’intéresse finalement à rien, même si cela se cache derrière des apparences de béni-oui-oui. « Parce que tu es tiède et ni chaud, ni froid, je vais te vomir de ma bouche. » (Ap 3, 16). Être enthousiaste pour le bien, c’est être à l’image de l’Agneau de Dieu : c’est se laisser mener par le Bon Berger tel un agneau, et c’est suivre et veiller sur l’Agneau tel un petit berger.

Défendre l’Incarnation… C’est bien cela qui est primordial aujourd’hui. Il est désormais rendu visible que la société occidentale ne l’a pas fait. Elle a pris un autre chemin. Les autres sociétés n’en ont guère suffisamment pris le chemin. La société mondialisée s’est construite finalement contre ce mystère. Même le clergé de l’Église n’a pas su maintenir vive sa foi en ce mystère. Il n’y a qu’à voir le peu d’intérêt manifesté par beaucoup pour les sacramentaux (eau bénite, etc), et la manière dont ils ont accepté de ne plus donner les sacrements en temps de crise sanitaire.

Le Seigneur nous a dit : « Cependant, je vous dis la vérité : c’est votre intérêt que je parte ; car si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous ; mais si je pars, je vous l’enverrai. Et lui, une fois venu, il établira la culpabilité du monde en fait de péché, en fait de justice et en fait de jugement : de péché, parce qu’ils ne croient pas en moi ; de justice, parce que je vais vers le Père et que vous ne me verrez plus ; de jugement, parce que le Prince de ce monde est jugé. J’ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas le porter à présent. Mais quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous introduira dans la vérité toute entière. » (Jn 16, 7-13a)

Le Seigneur nous a envoyé l’Esprit-Saint qui vient nous faire découvrir progressivement les merveilles contenues dans la Révélation. Mais il est un dernier mystère qui doit être rendu manifeste et qui convaincra le monde en fait de péché, de justice et de jugement. Il sera une pierre d’achoppement pour beaucoup, et montrera ceux qui croient vraiment au mystère de l’Incarnation. Dieu veut encore se servir de notre civilisation en perdition pendant quelques décennies pour que ce mystère soit accueilli et que Dieu y appose son sceau : c’est un mystère de noces qui nous mènera à la Croix et à une sorte de deuxième résurrection, celle d’un renouvellement du monde dans lequel une authentique civilisation de l’amour pourra se déployer.

Tans que les choses n’auront pas été scellées définitivement par le sceau de Dieu, alors Celui-ci ne permettra pas que tout s’effondre. Mais quand ce sceau aura été apposé dans plusieurs années ou décennies, alors les structures temporelles et les structures ecclésiales que nous connaissons chancelleront : ni l’une ni l’autre n’ont les promesses de la vie éternelle. Seule l’Église comme corps du Christ a de telle promesse. Et alors chacun reviendra à ses tentes, et les amis de Dieu prendront le chemin des catacombes. La voie du salut paraîtra étroite, et la route qui mène à la perdition très large. Mais ceux qui auront fait le choix de Dieu déblaieront le chemin et permettront aux autres d’y entrer : la voie deviendra très praticable et tous pourront avoir part au salut.

Il y aura des signes et des prodiges tels que nous n’en avons jamais vu. Et ceux qui chercheront la lumière la trouveront.

Sur le chemin qui nous mène jusque là, il y aura de nombreuses embuscades. L’on voit se dresser un immense dragon passé maître dans l’art de la manipulation. Mais nous avons les anges pour nous protéger. De plus, ce dragon est finalement très rationaliste, et sa manipulation ne touche pas au cœur. Il n’a finalement pas vu venir le chemin de Dieu qui va le déborder de toute part. Ce qui parle de Dieu, ce qui est rempli d’une spiritualité incarnée, est très pauvre en données abstraites et en mesures mathématiques. Cela ne l’intéresse pas. Il n’est pas capable d’en détecter l’importance. Et il ne veut finalement pas s’en approcher, car il y a l’Esprit-Saint et les saints anges qui veillent.

Alors, haut les cœurs, mes amis ! Car l’œuvre de Dieu va s’accomplir.

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