ou
penser la crise sanitaire avec Michel Foucault
On trouve dans l’œuvre de Michel Foucault certaines vues qui peuvent nous permettre de penser le caractère tout à la fois imprévisible et fatal de la crise sanitaire. Pour cela il faut considérer les racines de l’événement dans le temps long. En 1976, dans l’Histoire de la sexualité, Foucault met en lumière la rupture profonde qui s’est opérée à la fin de l’âge classique dans le rapport du pouvoir souverain aux individus. Cette rupture ne s’est pas faite d’un coup : elle s’étend sur plus d’un siècle, mais ses répercussions à long terme constituent une lame de fond dont nous subissons aujourd’hui les conséquences.
De quelle rupture s’agit-il ? Pour le dire en une phrase, nous serions passés d’un « droit de mort » du Souverain sur ses sujets à un « pouvoir sur la vie » de l’État sur les individus. Dans l’Ancien Régime, le pouvoir souverain, s’il était absolu – à tout le moins, comme s’accordent à le penser les historiens, celui de Louis XIV – s’exerçait sur les sujets pour ainsi dire de l’extérieur et de manière relative dans la mesure où le Souverain ne faisait jouer son droit sur la vie que par la peine de mort, mesure extrême et ponctuelle. Pouvoir non sur la vie elle-même, mais sur la limite de la vie que constitue la mort. Le roi avait donc le droit de faire mourir ou de laisser vivre, c’est-à-dire de faire grâce (prérogative « royale » que le président Mitterrand fut le dernier à exercer avant que la peine de mort fût abolie).
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