Le grand oublié

Aujourd’hui, c’est la fête du glorieux saint Joseph. Alors que nous sommes dans une année dédiée par le pape François à saint Joseph. C’est là pour nous l’occasion de mieux connaître ce grand saint. D’approfondir notre relation avec lui. D’autant que le pape François a aussi déclaré qu’aujourd’hui s’ouvrait une année de la Famille : il est donc opportun de mieux découvrir ce membre un peu oublié de la Sainte Famille.

Dans notre chemin chrétien, l’aide des saints nous est précieuse. Ils sont des amis, des conseillers, et des exemples. Et ils nous manifestent aussi quelque chose de ce qu’est Dieu, quelque chose de son amour et de sa vie. Ils sont des icônes vivantes du Christ Ressuscité, car celui-ci vit en eux. Grâce à eux, en nous unissant à eux, il est plus aisé d’être brûlant nous-mêmes du Christ vivant en nous. Grâce à eux, il est plus aisé de conduire les personnes que nous rencontrons vers la vie avec Dieu.

La petite Thérèse ne s’y est pas trompée et priait beaucoup les saints. Et sur saint Joseph, elle nous livre un secret dans Histoire d’une âme : « Depuis mon enfance j’avais pour lui une dévotion qui se confondait avec mon amour pour la Sainte Vierge. » (Histoire d’une âme, Manuscrit A Folio 57 Recto). Se confondait ! C’est à dire que c’était le même amour, la même dévotion.

En dépit d’une dévotion dès l’origine, l’on a tardé dans l’Église à lui rendre un culte réel dans nos liturgies. Et l’on tarde encore à parler vraiment de lui, à nous consacrer à lui, à le prier, à lui donner dans nos cœurs la place qui lui revient. Si la petite Thérèse, docteur de l’Église, dit que sa dévotion pour saint Joseph se confondait avec son amour pour la Vierge Marie, c’est qu’il nous faut faire de même. Car là où est l’époux est l’épouse, et là où est l’épouse est l’époux.

Nous avons des réticences pour cela. La preuve en est qu’un grand nombre de catholiques prient beaucoup la sainte Vierge et presque jamais saint Joseph. Alors qu’il existe aussi un chapelet à saint Joseph, avec un « Je vous salue Joseph… ». C’est que nous avons du mal à lui donner sa place dans nos conceptions théologiques. C’est que nous ne comprenons pas bien comment ce père terrestre de Jésus, époux de la Mère de Dieu, se situe vis-à-vis du Père céleste. C’est que nous avons du mal à voir la Mère Immaculée comme l’époux de saint Joseph. C’est que finalement nous sommes idéologiques, c’est que nous véhiculons dans l’Église des idéologies qui nous empêchent de voir la réalité de la Révélation.

Dieu s’est révélé en Jésus Christ au cœur du mariage virginal de Marie et Joseph. Jésus a appelé Marie « maman » et Joseph « papa ». Dieu s’est révélé dans la vie de Nazareth dans la maison de la Sainte Famille, dans ce village fait de relations toutes humaines. Il nous faut entrer dans cette réalité de la Révélation, entrer dans ce village de Nazareth, entrer dans la Sainte Famille, et dire, avec le Christ vivant en nous, à Marie « maman » et à Joseph « papa ». Le Christ vivant en nous est ce même Jésus de Nazareth. Le Christ qui a eu trois années de vies publiques, qui est mort et ressuscité, est ce même Jésus-Christ qui a grandi au cœur de l’amour conjugal de Marie et Joseph.

Celui que nous devons annoncer, c’est ce Jésus là. Ce n’est pas un Jésus déconnecté de sa vie familiale. Sinon, notre christianisme risque d’être tordu, déviant, mal ajusté. Nous risquons de propager une idéologie qui abîme des pans entiers de notre humanité, au lieu de les restaurer. Il faut rendre grâce pour tous les prêtres et tous les consacrés, hommes et femmes. Il faut bénir tous ceux qui ont fait le choix du célibat pour témoigner du Christ Ressuscité vivant au cœur de l’humanité. Mais il ne faut pas perdre de vue que leur vie s’enracine dans la vie familiale, que leur spiritualité est marquée par la réalité conjugale de l’union du Christ et de l’Église. Il ne faut pas avoir peur de témoigner du Christ, mais il ne faut pas perdre de vue que sa vie s’est déployée au cœur du mariage de Marie et Joseph.

Il nous faut parler de saint Joseph, c’est une urgence. Pour rééquilibrer notre spiritualité qui risque sinon de dévier. « Depuis mon enfance j’avais pour lui une dévotion qui se confondait avec mon amour pour la Sainte Vierge. », nous disait la petite Thérèse (Histoire d’une âme, Manuscrit A Folio 57 Recto). Et elle est celle dont le message d’enfance spirituelle à bouleverser le monde, celle qui a compris d’une manière éminente l’amour du Père. Ce n’est pas un hasard. En priant saint Joseph, époux de la Vierge Marie, il est plus aisé d’entrer dans le visage du Père. Saint Joseph, c’est l’artisan qui nous aide à passer de l’intériorité, où nous entraîne davantage la Vierge Marie, à l’extériorité pour œuvrer concrètement pour le Royaume.

L’on parle de saint Joseph comme le père « adoptif » de Jésus, comme si le Seigneur tenait tout de Marie. Mais savons-nous vraiment si l’Esprit-Saint ne s’est pas servi de l’ADN de Joseph pour former l’embryon de Jésus ? La conception est virginale, sans union physique. Mais savons-nous vraiment si celui qui accueillera l’Enfant-Dieu chez lui, qui aura aussi son oui à donner, n’est pas à l’origine de la moitié de son patrimoine génétique ?

L’on dit aussi parfois pour éviter de parler de saint Joseph que celui-ci n’était pas à la Croix. C’est oublié que c’est avec la Vierge Marie celui qui a été le plus uni au mystère de la Croix. Par ailleurs, les théologiens s’accordent pour dire que la « mort » de Joseph avant la vie publique de Jésus n’est qu’une hypothèse dont nous n’avons aucune certitude. Il est tout à fait possible d’envisager que saint Joseph soit parti en ermitage pour porter tous les évènements dans la prière, et y être uni sans y être présent physiquement. L’Église par la suite, en suivant les voies de l’Esprit, a toujours fonctionné ainsi : des âmes contemplatives se tiennent auprès du Seigneur tandis que d’autres partent en mission. Il paraît donc tout à fait convenant qu’il en est été ainsi au sein de la Sainte Famille qui est l’archétype de la vie ecclésiale. Et il se peut qu’il se soit fait aussi pèlerin pendant la naissance de l’Église dans de futures régions à évangéliser pour préparer par sa présence et sa prière la venue des missionnaires, avant de monter un jour vers le Ciel comme la Vierge Marie. Sur ce sujet, plusieurs saints ont pensé que saint Joseph était au Ciel avec son corps.

À Fatima, le 13 octobre 1917, pendant la danse du soleil, les voyants ont eu la vision de plusieurs tableaux, dont un de la Sainte Famille, avec saint Joseph tenant dans ses bras l’Enfant-Jésus, et bénissant avec Lui le monde. En ce temps de crise et en cette année saint Joseph, il pourrait être d’actualité de nous placer intérieurement dans cette vision. De regarder saint Joseph bénir le monde, et de le laisser nous entraîner sur les chemins que Dieu veut, dans une nouvelle évangélisation selon le cœur de Dieu, et pour qu’advienne la civilisation de l’amour. Car saint Joseph est le patron de l’Église universelle, le père de la Nouvelle Évangélisation, l’artisan de la Civilisation de l’Amour, et le protecteur du troisième millénaire (cf. Jean-Paul II, Redemptoris Custos).

Alors confions-nous à toute la Sainte Famille…

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