L’article suivant pose trois questions :
Première question : Le Père est-il est un Foyer d’Amour ? Et donc la Trinité est-elle une Communauté de Foyers d’Amour ?
Deuxième question : Les anges ne sont-ils pas chacun des foyers d’amour ?
Troisième question : Notre vocation du Ciel n’est-il pas de reproduire le modèle de la Sainte Famille ?
Ce questionnement peut paraitre osé et inattendu. Cependant, outre l’avantage de nous conduire à élever nos regards vers les réalités d’en-haut, semblent à plusieurs théologiens très pertinents.
À chacun de se faire un avis, et au magistère d’étudier, puis de discerner ce qu’il faut retenir de tout cela.
Le christianisme a-t-il déjà tout dit ?
Certains s’imaginent que oui, et qu’ils connaissent tout ce que le christianisme a à dire. Soit pour le dénigrer en pensant qu’il n’en sortira plus rien de bon. Soit pour le magnifier en ressassant toujours les mêmes choses sans arriver à transformer le monde.
Si nous nous mettons attentivement à l’écoute des Écritures et de la Tradition, nous comprenons que tout a été révélé en Jésus-Christ, mais que tout n’a pas encore été dit, ou explicité. Jésus a encore des choses à nous faire comprendre. Les premiers chrétiens ont peut-être vécu et perçu tout cela en plénitude. Nous ne pouvons pas en dire autant des générations suivantes. Et il faudra parcourir tout le chemin de l’histoire pour tout retrouver.
Les trois questions suivantes en témoignent. Elles ont laissé perplexes plus d’un théologien, et semblent vraiment pertinentes. Et pourtant, l’Église ne s’y est pas intéressée au cours des 2000 dernières années. Ou plutôt, tout en percevant qu’il y avait là quelque chose à chercher, elle n’a pas encore exprimer clairement ces questions comme ici, ni chercher à y répondre réellement.
Ce questionnement est né chez moi, 14 ans en arrière, tel un éclair dans la nuit, en veillant avec Jésus et en méditant la Révélation. Il faut savoir se méfier de ce genre de lumière inattendue. J’ai donc pour ma part parcouru durant des années les Écritures, la Tradition et le magistère, et questionné des théologiens et des hommes de Dieu. Sans pouvoir dire si cela est vrai, car ce n’est pas mon rôle dans l’Église, j’en suis arrivé à la certitude que les questions présentées ci-dessous peuvent être posées sans contredire aucun dogme tenu pour infaillible.
Car comme un moine qui me disait un jour découvrir des pans entiers de son âme à évangéliser, peut-être avons nous encore des pans entiers du mystère de Dieu contenu dans la Révélation qui sont encore à explorer. C’est d’ailleurs ce que dit saint Jean (Ap 10, 4-7). Quand un organisme grandit, même si l’essentiel ne change pas, il arrive que l’on découvre soudain des facettes inattendues, jusqu’à des formes et des rondeurs insoupçonnés, surtout quand vient le temps des épousailles. Cela peut paraître surprenant à certains, j’en conviens, mais les questions qui vont suivre restent dans l’esprit catholique, et témoignent bien de la venue dans la chair de Jésus-Christ (1 Jn 4, 1-2). Et j’ose affirmer qu’ils ne changent rien fondamentalement aux normes pratique de l’Église, mais ils en donnent le véritable esprit qui a un bien meilleur goût que le vin qui nous était servi jusque là (Jn 2, 10).
Première question : Le Père est-il est un Foyer d’Amour ? Et donc la Trinité est-elle une Communauté de Foyers d’Amour ?
Si l’Image du Père s’est manifestée quand Jésus est venu chez Marie et Joseph, pourquoi le Père ne serait-il pas un mystère de Foyer, dans l’union de trois Existences masculine, féminine et enfantine ? Le Fils, Image du Père, serait aussi un tel Foyer, et se serait incarné comme Enfantin pour venir reproduire cette image au sein de l’humanité. Et l’Esprit-Saint serait un Esprit de Foyer, un Esprit de Famille. La Trinité vivrait donc l’Amour intensivement dans les Foyers et extensivement entre les Foyers.
Le Père est le père des foyers. Dans un foyer humain, chacun a sa personnalité, mais du fait de l’union de la chair qui le fonde, et du choix d’avancer ensemble pour toujours dans l’existence, une personnalité propre du foyer se dégage. Normalement, les différences très marquées entre ses membres n’empêchent pas l’expression de cette personnalité commune, tout en permettant de vivre un amour fécond au sein du foyer.
Le Père, le Fils et l’Esprit-Saint sont des Personnes, car chacun de ces trois Foyers a sa propre personnalité. Mais comme une poupée russe plus petite sous celle plus grande qu’est le mystère d’Amour de la Trinité, chaque Personne divine peut très bien être un autre mystère d’Amour. Une Union de trois Existences masculine, féminine et enfantine. Nos familles humaines seraient alors à l’image de ces Foyers d’Amour (Gn 1, 27).
On constate en effet que la plus grande perfection de l’amour que l’on trouve sur la Terre est celle des communautés de foyers d’amour, comme celle des villages, ou comme celle de l’Église qui est une communauté de communautés. Il est donc très convenant que la Trinité soit également une Communauté de Communautés. La Trinité n’est-elle pas une Trinité de Foyers ? Ce que l’on appelle une Personne Divine n’est-elle pas un Foyer d’Amour ?
Deuxième question : Les anges ne sont-ils pas chacun des foyers d’amour ?
Les anges ont été créés à l’image du Fils, lui-même à l’image du Père. Ils sont donc des foyers d’amour (un mystère de trois existences masculine, féminine et enfantine) et ont chacun leur personnalité pour s’inscrire dans la communauté angélique de tous ces foyers d’amour. Vous comprendrez que les mots sont ici analogiques pour exprimer dans ce monde purement spirituel ce qu’ils vivent d’une manière suréminente par rapport à nous. On remarquera notamment qu’une personne angélique est un foyer d’amour et a trois existences. À mi-chemin entre Dieu et nous, ils sont par là davantage comme Dieu ; bien qu’ils soient comme nous des créatures, et s’inscrivent dans une communauté de créatures. Par ailleurs, on notera que chez eux se trouvent des existences purement enfantines (comme le suggèrent certaines de nos représentations) en plus des existences masculines et féminines (comme ces deux ailes, qui soutiennent ces êtres d’amour, et qui sont sur nos icônes des pierres d’attente pour aller plus avant dans ce mystère). Alors que chez nous seules ces deux derniers types d’existences semblent former notre humanité.
Troisième question : Notre vocation du Ciel n’est-il pas de reproduire le modèle de la Sainte Famille ?
Nous faisons notre chemin sur la Terre en choisissant une vocation au mariage ou au célibat consacré (prêtre, religieux, laïcs consacrés, etc). Dans le premier cas, nous manifestons une forme de foyer d’amour orienté vers la génération, et nous prenons un conjoint dont les noces peuvent être à vie, ou plus ou moins éphémères (veuvages, etc). Dans le deuxième cas, nous manifestons que les Noces de l’Agneau suffisent à combler une vie. C’est-à-dire qu’en accueillant Jésus dans nos vies, nous serons comblés pour toujours. Nous désignons ce Royaume des Cieux qui est notre destinée ultime et dont le chemin sur le Terre n’est qu’une préparation. Cependant, ce Royaume est déjà là et perce à travers le voile du monde, pour que nous puissions déjà vivre de cette réalité dans la nuit.
Au travers de nos choix sur la Terre se dessine notre visage du Ciel, que Dieu nous donnera en plénitude tel un caillou blanc (Ap 2, 17) quand nous achèverons notre pèlerinage. Que sera réellement ce visage d’amour qui se manifestera en nous dans le Royaume ? Finalement, nous l’ignorons, car notre perception d’ici-bas est comme celle d’une broderie que l’on tisse en la tenant à l’envers, du côté des nœuds où l’on ne voit pas grand-chose. Il ne faut pas sous-estimer la puissance de Dieu qui est à l’œuvre, et qui dans sa Providence accompagne toute chose jusque dans les détails.
Jésus a dit que nous serons semblables aux anges, et que ce ne sera pas nos petits arrangements de multiples mariages humains, décrits par ses interlocuteurs qui cherchent à le piéger, qui empêcheront la puissance de Dieu et les Écritures de se réaliser (Mt 22, 29-30 ; Mc 12, 24-25 ; Lc 20, 34-35). En dehors de ce passage des Synoptiques, aucun verset ne dit des choses très affirmées, si ce n’est pour parler du banquet des noces éternelles (Mt 22), et dire qu’il ne faut pas séparer l’homme et la femme que Dieu a uni (Mt 19, 6 ; 1 Co 11, 11). En tout cas, beaucoup dans l’histoire de l’Église, et même certains Pères de l’Église, considèrent que les gens mariés dans la fidélité le resteront au Ciel. Et aucun pape ou concile ne s’est étonnamment penché sur cette question pour la résoudre définitivement.
Nous sommes tous appelés à reposer comme saint Jean sur le Cœur de Jésus : ce Cœur s’est formé dans la Sainte Famille et il bat d’amour pour nous. Jésus cherche à faire irruption chez nous (Jn 17, 23). Ne veut-il pas finalement reproduire le modèle de la Sainte Famille en venant comme un Petit Enfant entre l’homme et la femme ? Ne veut-il pas dessiner au travers de nos vies ce visage d’éternité d’un foyer d’Amour ? L’Enfant-Jésus se cherche des papas et des mamans ? Saurons-nous l’accueillir dignement ?
C’est d’ailleurs ce qui se passe à la messe quand nous recevons l’Hostie : Jésus vient comme un Petit Enfant pour reposer dans nos cœurs et dans nos corps.
Cela ne remet pas en cause les mariages de la terre ou le célibat consacré, cela désigne seulement ce vers quoi nous allons, ce que nous pouvons déjà vivre mystérieusement et imparfaitement, et ce que Dieu réalisera à sa manière et dans sa grande Providence qui est capable de destiner un homme et une femme à se retrouver dans l’éternité pour vivre un mystère d’amour et être un lieu où l’Enfant-Jésus peut être accueilli. Ne mésestimons pas la puissance de Dieu ! Ne serait-ce pas là un beau mystère d’amour capable de faire fondre nos cœurs si souvent de pierre ? Nous allons vers l’amour ! Et cela ressemble à un conte d’enfant, car ainsi est le Royaume des Cieux (Mt 18, 23).
La cellule de base du Royaume de l’Amour de Jésus est donc le foyer où nous reproduisons l’image du Fils, lui-même à l’image du Père : un amour masculin, féminin et enfantin. L’Esprit-Saint nous aide à le vivre, car il est lui-même un Foyer d’Amour. Jésus, Marie et Joseph manifestent en grand ce mystère d’amour. Les anges le louent, en vivent à leur manière, et aident toute la création à le manifester. Et nous-mêmes, en accueillant l’Enfant-Jésus dans nos vies, nous le vivons également en petit. Et ainsi, ce que Dieu avait préparé chez Adam et Eve, mais qui s’était brisé, se retrouve guéri et surélevé par Jésus, car la grâce ne détruit pas la nature. Et ainsi, notre Dieu, qui est une Trinité de Foyers, se trouve glorifié par tous ces villages, toutes ces danses, ces fêtes, ces étreintes de la communauté des saints qui vivent par et pour Jésus, le Verbe Incarné.
Ce qui saute aux yeux dans ce questionnement, c’est qu’il s’agit d’abord d’un mystère d’amour. Il s’agit de façonner des foyers et des communautés d’amour autour de Jésus, le Dieu incarné. Et on voit aussi tout de suite que cela ne contrevient pas aux grands critères de discernement donnés pour le cheminement de l’Église : l’amour de l’Incarnation en Jésus selon saint Jean, et les trois blancheurs du songe de Don Bosco. La Vierge Marie nous éduque à vivre le mystère de la Sainte Famille. L’Eucharistie nous fait accueillir l’Enfant-Jésus pour vivre et avancer vers les Noces éternelles, en l’accueillant dans notre chair, tout en étant rassemblés dans la communauté des croyants. Et cela ne semble pas remettre en cause ce qui avait été établi jusque là, tout en laissant la place au Saint-Père de discerner si cela vient bien de Dieu. Car autant il revient aux fidèles de recevoir les intuitions et lumières venant de Dieu, autant il revient aux pasteurs d’éprouver toute chose et de discerner ce qui vient de l’Esprit. Mais cela demande de discerner, et non pas d’évacuer a priori la question.
Nous fêtons cette année le 7ème jubilé (350 ans) des apparitions principales de Paray-le-Monial, où le Cœur de Jésus a témoigné de son amour brûlant. Ne serait-il pas normal que Dieu choisisse ce moment pour nous manifester combien Il est encore plus amour que nous l’imaginions ? Ne serait-il pas normal que cela advienne de cette France que l’on appelle la Fille Aînée de l’Église et dont il a été dit de nombreuses fois (par exemple au vietnamien Marcel Van) qu’elle était choisie pour réaliser l’œuvre de Dieu et qu’y jaillirait une lumière d’amour capable de relever le monde sur le point de s’effondrer ?
Celui qui se penche sur la veine prophétique chrétienne qui a traversé les siècles et a été alimentée de toute part à chaque génération, ne peut que constater que quelque chose de similaire à ce qui est décrit ici a été annoncée par des milliers d’envoyés de Dieu et a été commentée dans des livres nombreux. Cela ne fait pas une preuve de la véracité des thèses ici présentées, cela indique juste que cela vaut la peine de chercher si quelque chose vient de Dieu là-dedans.
Ce qui est sûr avec ce questionnement, c’est qu’il nous situe dans la contemplation de la Trinité, des anges, de la manière dont nous accueillons Jésus, et de notre destinée éternelle. Ce qui ne peut que nous faire du bien à nous qui regardons trop nos problèmes terrestres, et nous sortir un peu des débats parfois trop stériles que l’on entend partout. Et cela nous invite aussi à chercher au Cœur même de la Trinité un renouveau spirituel qui aura suffisamment de fécondité pour nous sortir de nos impasses et nous conduire vers un avenir renouvelé. Je peux témoigner du fruit certain que cette quête a suscité chez moi, en dépit des aléas de la vie.
C’est en quelque sorte à un travail de bénédictin que ce questionnement nous invite. Contemplons d’abord le mystère de Dieu. Puis plus tard, en étant porté par le Vin Nouveau de l’Évangile, nous pourrons ré-évangéliser ce monde.
Mais avons-nous encore assez d’huile dans nos lampes pour oser nous mettre à genoux devant Dieu et lui demander : « Qui est le Père ? Jésus, montre-nous le Père, cela nous suffit ! » (Jn 14, 8) Nous croyons le connaître, car depuis trop longtemps nous sommes à son service (Lc 15, 29). Mais en est-ce si sûr ? Sommes-nous prêts à questionner nos certitudes, et à suivre le premier commandement donner à Israël : « Écoute, Shema ! » ?
Et si la réponse est celle dite plus haut des Foyers d’Amour, aurons-nous assez d’huile dans nos lampes pour vivre des Noces de l’Agneau ? Pour accepter qu’en arrivant au Ciel Jésus nous dise à chacun personnellement qu’il veut fonder avec nous un foyer d’amour pour qu’il y soit lui-même accueilli comme un Petit Enfant ? Et vu que tout foyer a un papa et une maman pour accueillir ce Petit Enfant, qu’il veut que nous vivions avec un époux ou une épouse dans une histoire d’amour et des étreintes éternelles ? Sommes-nous prêts à ce que le mystère de l’Amour de Jésus nous saisisse jusque dans les entrailles ? Et sommes-nous prêts à habiter avec nos frères et sœurs dans des communautés de foyers comme autant de villages, qui sont illuminés par les anges, pour que tout soit à l’image de la Sainte Famille et honore la Divine Trinité des Foyers d’Amour ?
Il semblerait que notre choix se joue ici-bas, quelque soit notre vocation. Et cela passe entre autre par le fait de questionner le Créateur sur son projet d’Amour pour qu’il puisse nous aider à en vivre.
Conclusion
Voici un questionnement théologique qui m’habite depuis longtemps. Considérant que seule l’infaillibilité pontificale pourra répondre à mes questions en son temps, car il me semble que le magistère ne s’est jamais penché sur ces sujets de cette manière-là, j’ai écrit une lettre adressée au Saint-Père, tout en me doutant bien qu’il sera difficile d’atteindre une telle personne aussi sollicitée. Et même si je sais que ce genre de demande est fréquente et parfois étrange, il se trouve que ceux qui ont reçu le don et la mission de discerner doivent justement discerner, en questionnant et éprouvant toute chose pour voir ce qui vient de l’Esprit-Saint (1 Jn 4, 1).
De tels questions ne peuvent être résolus définitivement par la magistère qu’après une longue maturation au sein du peuple de Dieu. Or, il apparaît que ces questions ont trop peu été abordées dans l’histoire de l’Église pour donner rapidement une réponse tranchée. Il n’est pas temps de changer la théologie avant de s’arrêter pour contempler avec Jésus et avec son Esprit-Saint. C’est pourquoi, il me semble qu’une réponse claire n’adviendra que dans plus de 200 ans. À moins que le Seigneur ait d’autres idées. Cependant, le courrier est adressé au pape, car il est le garant de tout processus de discernement ecclésial, et qu’il semble opportun qu’il prenne la mesure des possibles développements théologiques en cours.
Le synode sur la synodalité a inclus dans ses rapports bon nombre d’opinions, intuitions et thèses en tout genre, qui demanderaient à être traitées dans de futures conciles et synodes pour y répondre plus précisément. Nous pensons que notre questionnement pourrait s’inclure dans cette démarche. Et on peut imaginer que le plus probable pour ce synode serait qu’il se termine par l’énumération de tous ces recueils d’intuitions en tout genre, qui donnent de futures matières à débat, mais où il convient de reprendre les choses calmement et avec maturité. Et avec la perspective d’une méthode pour traiter chaque question selon un processus de discernement ecclésial. Bien sûr, c’est le pape François qui a les grâces d’état et la légitimité sur ces sujets. Mais ce serait pour nous le scenario qui aurait notre préférence.
Pour ceux qui voudraient creuser ces intuitions au-delà de l’expression de la fine pointe donnée dans cette missive, vous pouvez aller sur le site suivant : angedelalune.fr. Il est plus ancien que celui-ci (sagessechretienne.fr), et aurait besoin de corrections après une plus grande maturation. Mais il a le mérite de donner davantage de matière à la réflexion. Et comme me le disait certains professeurs de théologie : dans l’Église, il est bon qu’il y ait du débat.
Nos écrits, présents ou non sur nos sites, sont disponibles au téléchargement ici (~260 Mo) :